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CLÉMENTI PIERRE (1942-1999)

Pendant quarante ans, de 1960 (Le Chien de pique, Yves Allégret) à sa disparition le 27 décembre 1999, Pierre Clémenti a reflété la situation nouvelle, les contradictions, les drames parfois, d'un acteur venu au cinéma peu après la nouvelle vague. Il a aussi, plus que tout autre, exploré les possibilités offertes à un acteur créateur de ses rôles comme de sa « carrière », atypique.

Né le 28 septembre 1942 à Paris, Pierre Clémenti apprend l'art dramatique aux cours du Vieux-Colombier et de la rue Blanche et fait partie de la troupe de café-théâtre de Marc'O, au Bilboquet, où se sont formés également Bulle Ogier, Jean-Pierre Kalfon ou Michèle Moretti. Tous les quatre apparaissent dans la transposition cinématographique par Marc'O de sa pièce à succès, Les Idoles (1968).

Au cinéma, après une apparition dans Le Guépard, de Luchino Visconti (1962), il trouve son premier rôle important dans Les Îles enchantées (1965), de Carlos Vilardebo. Deux interprétations radicalement opposées vont révéler en Clémenti un talent incontestablement original : le client sadique de Catherine Deneuve dans Belle de jour, de Luis Buñuel (1967), et le naïf héros de Benjamin, ou les Mémoires d'un puceau, de Michel Deville (1968). C'est à l'évidence Buñuel, qui en fera l'ange porteur de mort de La Voie lactée (1969), qui a le mieux perçu le caractère inquiétant de ce physique fluet contredit par la force du regard, de l'intonation, du geste, dont l'acteur use avec sobriété et maîtrise.

Ses rôles dans des productions classiques sont toujours marquants : le poète lettriste de Nini Tirebouchon (Marcello Fondato, 1970), l'amant diabolique du Loup des steppes (Fred Haines, 1974), le terroriste androgyne de Surexposé (James Tobak, 1983), l'Européen décadent et fourbe de Marrakech Express (Hideous Kinky, Gillies McKinnon, 1998)... Mais, Pierre Clémenti avait choisi de ne pas se « galvauder dans des films qui ne méritent même pas d'être faits », leur préférant des œuvres où il se sentait « dans son élément ». D'où sa participation, très tôt, à des productions marginales indépendantes, de Peter Emmanuel Goldman, Ivan Lagrange ou Joachim Lledo, mais aussi à des films de cinéastes alors peu connus, tels que Liliana Cavani (Les Cannibales, 1970), Jean-Jacques Andrien (le Fils d'Amr est mort, 1975), Frank Cassenti (L'Affiche rouge, 1976), Alain Fleisher (Zoo zéro, 1977), Edgardo Cozarinsky (Les Apprentis-sorciers, 1977), Moumen Smihi (44 ou les récits de la nuit, 1985), et surtout Philippe Garrel (Le Lit de la vierge, 1969 ; La Cicatrice intérieure, 1971). Refusant les rôles stéréotypés de voyou qu'on lui propose en France, il tourne en Italie, entre autres avec Bernardo Bertolucci, dans Partner, représentatif des interrogations cinématographiques de Mai-68, et Porcherie (1969), de Pier Paolo Pasolini, dont le rôle œdipien et cannibale constituera son image de marque. Son horizon cinématographique n'a pas de limites, de Cabezas cortadas (Têtes coupées, 1970), du Brésilien Glauber Rocha, à Sweet Movie (1974), du Yougoslave Dusan Makavejev... Son emprisonnement en Italie en 1971, pour détention de drogue mais lié en partie à ses attaches politiques d'extrême gauche, est loin de mettre fin à sa carrière internationale comme à son activité théâtrale, radiophonique et cinématographique. Il va donner alors quelques-unes de ses meilleures créations à l'écran, de Cauchemar (1980), de Noël Simsolo, ou du Pont du Nord, de Jacques Rivette (1981), au Bassin de J.W., de Joao Cesar Monteiro (1996). Là, dans un rôle à multiples facettes, Clémenti se livre à un étonnant cours d'anatomie comparée ! On lui doit également la réalisation de quatre films dont l'audience est restée confidentielle : Visa de censure (1967-1977), New Old (1978), Soleil (1988)[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

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