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DAIX PIERRE (1922-2014)

«  Écoute, j’ai laissé raconter n’importe quoi sur moi ; mais toi, je t’aiderai. » Ces paroles de Picasso à Pierre Daix en disent long sur la capacité d’écoute que le peintre prêtait à l’écrivain, journaliste et historien d’art, né à Ivry-sur-Seine le 24 mai 1922, mort à Paris le 2 novembre 2014. Auteur de nombreux ouvrages sur l’Espagnol, notamment les catalogues raisonnés des années 1900-1906 et de sa période cubiste, Pierre Daix l’est aussi d’un Dictionnaire Picasso (1995), véritable bible consacrée à la vie et à l’œuvre de l’artiste. Si son nom demeure aussi fortement attaché à celui du peintre, c’est que par-delà le regard critique qu’il a porté sur son œuvre, il a partagé avec lui une même forme d’engagement militant qui en a fait l’une des grandes figures intellectuelles de son époque.

Pierre Daix a fait ses études au lycée Henri-IV. Là, il se forge une solide culture humaniste ouverte à la littérature, à l’histoire et à l’art, confortée ensuite par des études à la faculté de lettres de Rennes, puis de Paris. Dès l’âge de dix-sept ans, il adhère au Parti communiste français. En juillet 1940, il crée un club étudiant du centre laïque des Auberges de la jeunesse qui sert de paravent légal aux étudiants communistes clandestins. Engagé dans la Résistance, il est arrêté et successivement incarcéré à Fresnes et à Clairvaux, avant d’être déporté au camp de concentration de Mauthausen, en Autriche. Avec l’organisation de résistance internationale clandestine, Daix poursuit son action, aidant à sauver des Français de toutes tendances idéologiques.

À la Libération, Pierre Daix s’engage tout à la fois sur les terrains de la politique et du journalisme. Il est nommé chef de cabinet du communiste Charles Tillon au ministère de l’Air, de l’Armement et de la Reconstruction, avant de devenir de 1948 à 1972 le rédacteur en chef de la revue Les Lettres françaises, dirigée par Aragon, et, de 1950 à 1953, directeur-adjoint du quotidien communiste Ce soir. Pierre Daix est longtemps resté aveugle aux crimes commis par Staline – notamment lors de la polémique qui oppose Les Lettres françaises à David Rousset au sujet de l’existence d’un univers concentrationnaire en U.R.S.S. Il en mesure après coup l’atrocité et publie en 1957 une Lettre à Maurice Nadeau en forme de mea culpa. Dès lors, il mène un combat contre l’ignorance, fait découvrir à ses lecteurs en 1963 l’ouvrage dissident d’Alexandre Soljénitsyne, Une journée d’Ivan Denissovitch ; en 1968, il rédige un éditorial en faveur de la révolte des étudiants lorsqu’éclate le Printemps de Prague. Peu à peu, Pierre Daix prend ses distances avec le Parti communiste et publie en 1973 Ce que je sais de Soljénitsyne à l’occasion de la sortie de L’Archipel du Goulag de Soljénitsyne, contribuant à marquer sa rupture définitive avec le communisme.

Tout au long de sa vie, Pierre Daix a consacré à l’écriture l’essentiel de son temps. De La Dernière Forteresse (1950), qui relate son expérience à Mauthausen, à Les Revenantes (2008), qui évoque le destin des femmes déportées, il est l’auteur d’une quinzaine de romans à la plume vive et précise. Ayant participé activement aux nombreux débats esthétiques de la revue La Nouvelle Critique, Daix a par ailleurs développé toute une réflexion sur l’histoire de l’art moderne. Les nombreux ouvrages qu’il a publiés notamment sur Delacroix, Manet, Gauguin, Cézanne, Nicolas de Staël, Hans Hartung, Zao Wou-Ki ou Soulages témoignent d’une connaissance de l’art, d’une ouverture d’esprit et de l’acuité d’un regard qui lui ont valu de recevoir le prix Georges-Pompidou en 2003.

Qu’il raconte son évolution idéologique dans son autobiographie J’ai cru au matin (1976), qu’il rédige un livre sur Les Hérétiques du P.C.F. (1980), qu’il tente une synthèse[...]

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