BÉRULLE PIERRE DE (1575-1629)
Célèbre de son vivant, Bérulle tomba dans l'oubli après sa mort et passa de mode assez vite. Ses Œuvres complètes publiées en 1644 ne connurent que deux rééditions au xviie siècle. Mais Henri Bremond a réhabilité, au début du xxe siècle, « le maître de tant de saints, le docteur de tant de docteurs ». L'historiographie actuelle, nuançant et corrigeant parfois les jugements de Bremond, continue à s'intéresser à un personnage qui a profondément marqué, directement ou indirectement, la spiritualité française de l'âge classique.
Un homme d'action
Né dans un milieu parlementaire – son père était conseiller au Parlement de Paris et sa mère, fille de Pierre Séguier, président à mortier – Bérulle avait pour cousine Mme Acarie dont l'hôtel joua « au seuil du xviie siècle, le rôle qui devait être plus tard celui du parloir de Port-Royal et du vallon chanté par Racine » (J. Dagens). À l'hôtel Acarie, il se trouva, dès sa jeunesse, en relation avec l'élite du Paris dévot. Il avait été l'élève des Jésuites au collège de Clermont et il resta influencé par la spiritualité ignacienne. Ordonné prêtre en 1599 et ayant fait vœu – un vœu méritoire à l'époque – de n'accepter aucun bénéfice, il séjourna, pour une retraite, en 1602, chez les jésuites de Verdun. Mais il resta prêtre séculier, ayant pareillement écarté la tentation d'entrer en religion chez les Chartreux et les Capucins.
En mettant l'accent sur la piété et la mystique bérulliennes, H. Bremond risquait de faire oublier l'homme d'action qui fut souvent sur la brèche. Saint François de Sales écrivait de lui : « Il est tout tel que je saurais désirer être moi-même, [...] mais il y a ce mal qu'il est extrêmement occupé. » Bérulle fut, comme Thérèse d'Avila, un contemplatif tourné vers l'action. Controversiste réputé, il se classa très tôt parmi les plus redoutables défenseurs de l'Église catholique dans les rencontres avec les protestants et fut à ce titre remarqué par Henri IV. Introducteur, avec Mme Acarie, des Carmélites en France (en 1604), il lui fallut, au prix de cinq mois de négociations, obtenir de l'Espagne quelques-unes des meilleures religieuses formées par Thérèse d'Avila. Certes, le succès couronna l'entreprise. À la mort de Bérulle, la France comptait quarante-trois couvents de Carmélites. Mais celles-ci n'avaient pas toujours été dociles. Lorsque Rome, en 1614, nomma Bérulle et les futurs généraux de l'Oratoire visiteurs perpétuels des carmels français, un certain nombre de religieuses, encouragées par des Carmes déchaux arrivés d'Italie à Paris en 1610, refusèrent de reconnaître l'autorité de visiteurs qui n'étaient pas de leur ordre. Il s'ensuivit une tempête qui dura jusqu'en 1623 et que trois papes successifs et un roi (Louis XIII) eurent du mal à calmer.
Mais Bérulle fut surtout le fondateur de l'Oratoire, créé en 1611. Il était en effet très préoccupé par l'état souvent lamentable du clergé séculier en France, à une époque où les séminaires n'existaient encore presque nulle part dans le royaume. Le but du fondateur était simplement de promouvoir une société de saints prêtres, qui serait, au milieu du clergé séculier, comme le levain dans la pâte. En fait, l'Oratoire fut amené à créer séminaires et collèges. Bérulle, qui intervint dans la réforme des Feuillants, des Frères prêcheurs, des Bénédictins de Marmoutier et de Saint-Maur, des Prémontrés, des Franciscains et des Augustins, eut aussi, encore qu'il fût sans ambition, une activité politique. Il réconcilia Louis XIII et sa mère en 1619 et négocia le mariage d'Henriette de France avec Charles Ier. Il attendait de cette union le retour de l'Angleterre au sein du catholicisme.[...]
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Écrit par
- Jean DELUMEAU : professeur honoraire au Collège de France, membre de l'Institut
Classification
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