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BÉRULLE PIERRE DE (1575-1629)

Sens de l'intériorité et de l'« adhérence »

Selon Bérulle, il convient d'adorer Dieu par des actes. Plus encore, il importe de réaliser en soi-même un « nouvel état ». D'où la nécessité d'intérioriser les faits historiques de la vie du Christ, de saisir l'« état intérieur des mystères extérieurs ». La Bible ne se présente pas uniquement comme un récit de faits s'accomplissant dans l'histoire ; à travers ces faits, Dieu parle d'une façon particulière, invitant chacun à donner une réponse personnelle. Dans la mesure où l'âme réalise intérieurement les épisodes de la vie du Christ, elle devient ouverte aux invitations qui la sollicitent. Activité divine et activité humaine s'unissent dans l'homme intériorisé, elles se compénètrent sans pour autant devenir indistinctes. Par cette doctrine de l'« adhérence », sur laquelle Bérulle revient constamment dans ses traités, l'âme est animée ; elle aspire la vie divine à la façon des poumons absorbant l'air vivifiant. Méditer sur les événements de la vie du Christ consiste à les situer en dehors de soi et, par là même, à les réduire au seul plan historique. Sans minimiser leur réalité, les intérioriser permet de les revivre dans le secret du cœur. Adhérer est à la fois une attente et un mouvement. Quand le corps s'expose au soleil, il bénéficie activement des énergies solaires. L'âme se tient-elle en face de Dieu, les énergies divines la pénètrent. L'âme les reçoit en leur donnant son consentement. Au consentement absolu répond l'adhérence totale. Cette réponse active n'est pas facile à maintenir et Bérulle parle à ce propos de l'héroïsme de l'âme donnant son adhésion aux opérations du Verbe incarné se manifestant en elle-même.

La doctrine de Bérulle est entièrement exempte de quiétisme. Elle s'inspire des Pères de l'Église, des auteurs mystiques du Moyen Âge et en particulier de Bernard de Clairvaux dont la dévotion à l'humanité du Christ doit conduire à l'adoration du Verbe. Après la Vierge, Marie-Madeleine est considérée comme le modèle de la vie contemplative, « dès le premier pas de sa conversion, elle est au sommet de la perfection ». La doctrine de l'adhérence bérullienne aboutit nécessairement à la contemplation. Devant le regard de l'homme intériorisé, le monde divin sort de l'ombre et se manifeste en suscitant l'émerveillement et l'adhésion du contemplatif.

Désireux de restaurer « la puissance, la lumière, la sainteté » de la condition sacerdotale, Bérulle avait souhaité mourir en célébrant la messe – ce qui lui arriva le 2 octobre 1629.

— Jean DELUMEAU

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Écrit par

  • : professeur honoraire au Collège de France, membre de l'Institut

Classification

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