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FENOYL PIERRE DE (1945-1987)

« Lorsque à douze ans mon regard s'enflammait au contact des photographies je les voyais objectives. Entre-temps je les vis subjectives, et à quarante ans elles m'apparaissent essentiellement chronophotographiques. » Ainsi s'exprimait le photographe Pierre de Fenoyl, terrassé à quarante-deux ans par une crise cardiaque, le 4 septembre 1987. Cet extrait d'un « texte-confidence », La Chronophotographie, ou l'Art du temps, rédigé à l'occasion d'une exposition personnelle à la Bibliothèque nationale en mars 1986, condense le parcours, la trajectoire d'un auteur dont l'œuvre —constituée essentiellement de paysages en noir et blanc, d'une quiétude sans artifices — se réfracte comme une expérience du temps et de la mémoire, une quête métaphysique de l'ordre de la contemplation et de la méditation.

Existence bien remplie que celle de ce photographe autodidacte, particulièrement talentueux, d'une culture immense, féru de théologie, nourri des grands textes religieux et qui s'inspirait souvent des Confessions de saint Augustin. Il fut amené à occuper dans le domaine de la photographie de nombreux postes de responsabilité et n'en poursuivit pas moins un projet personnel : attentif à la fluctuation des instants sur les lieux qu'il aimait — il notait, comme si le temps lui était compté, l'heure de la prise de vue sur ses épreuves —, la photographie était pour lui avant tout un mode de vie particulier, un état de grâce, de réceptivité, de disponibilité, et l'acte photographique, un rituel. L'essence de la photographie n'était pour lui ni l'espace ni la lumière, mais la captation du cours impartial et invisible du temps. Archiviste à vingt ans d'Henri Cartier-Bresson, il dirige jusqu'en 1969 le fonds d'images de l'agence Magnum. Il fonde l'année suivante la première galerie photographique parisienne, Rencontre, rue du Cherche-Midi, et participe à la création de l'agence Vu, d'où est issue Viva, avant de devenir correspondant new-yorkais de Photo-Magazine, puis acheteur d'art pour Publicis. À trente ans, il est le premier directeur de la Fondation nationale de la photographie, créée à Lyon, puis, en 1977, il est chargé de mission pour la photographie au Centre Georges-Pompidou, où il se consacre surtout à faire connaître la photographie comme expression à part entière. Il organise de nombreuses expositions (André Kertész, Les Krims, Ralph Gibson, Duane Michals, le photojournalisme contemporain...) et publie des anthologies : en 1979, le premier Album photographique du Centre Pompidou, collection qui malheureusement n'a pas survécu ; en 1982, Chefs-d'œuvre des photographes anonymes au XIXe siècle, chez Hachette. Il avait choisi de se retirer avec sa femme et ses deux enfants à Castelnau-de-Montmiral, dans le Tarn, où il menait depuis 1984, pour le compte de la mission photographique de la D.A.T.A.R., une exploration serrée et minutieuse des paysages du Sud-Ouest : ses photographies établissent des rapports subtils entre les replis du terrain, les habitations, les végétaux, et créent une mystérieuse entente entre le sol et le ciel, balayés tous deux dans de belles compositions horizontales.

Le même charme se retrouve dans son Travail égyptien, sur les monuments les plus légendaires de l'histoire. Images d'initiation à la lumière de l'Orient, ses photographies présentent tout à la fois ce caractère de merveilleux, d'intemporel, de réalité sans attache avec la vie quotidienne des hommes.

Au-delà des circonstances brutales de sa disparition, Pierre de Fenoyl figure, parmi les photographes contemporains, comme l'un des représentants les plus doués de ce qu'on appelle outre-Atlantique Straight photography (la « photographie pure »). En 1988, le musée de l'Élysée de Lausanne lui[...]

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Écrit par

  • : historienne de la photographie, département de la recherche bibliographique, Bibliothèque nationale de France

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