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FERMAT PIERRE DE (1601-1665)

Le « grand théorème » de Fermat

L'énoncé

Un énoncé simple, tout d'abord. Il existe des carrés qui sont la somme de deux autres carrés : par exemple 25 = 5 × 5 est la somme de 16 (= 4 × 4) et de 9 (= 3 × 3). Il y en a beaucoup d'autres (en fait une infinité), comme 4 225 (= 65 × 65) est égal à 1 089 (= 33 × 33) + 3 136 (= 56 × 56) ; à cause du fameux théorème de Pythagore, cela revient à dire qu'il existe des triangles rectangles avec des côtés entiers. Les choses se gâtent (ou deviennent plus intéressantes) dès qu'on passe des carrés aux cubes ou aux puissances supérieures. Il n'existe pas de cube somme de deux cubes, ni plus généralement de puissance d'exposant supérieur à 2, somme de deux puissances de même exposant : autrement dit, l'équation an + bn = cn n'a pas de solutions a, b, c en entiers non nuls dès que n est au moins égal à 3.

C'est cet énoncé d'apparence banale que Pierre de Fermat nota en marge d'un de ses livres de mathématiques. Il ajouta à l'énoncé, et la légende s'en est abondamment nourrie, que la marge était trop étroite pour contenir la merveilleuse démonstration qu'il en avait trouvée.

Fermat ne parla jamais du cas général de son « théorème » dans ses lettres ; une étude serrée des dates de ses recherches et de leur contenu indique qu'il comprit peut-être que sa démonstration initiale n'était pas valide pour toutes les puissances. Fermat esquissa seulement dans une autre note une preuve pour l'exposant 4, et c'est par de maigres documents, des extraits de lettres, les fameuses notes, publiés par le fils du mathématicien après la mort de Fermat, que ses successeurs eurent accès à ses recherches. Au début du xixe siècle, la plupart des énoncés de Fermat étaient soit munis de preuves, soit infirmés. À une exception près, celle qu'on sait. Il y avait déjà eu pourtant des tentatives, dont certaines dues à d'importants mathématiciens : Euler, Legendre, Dirichlet, Lamé avaient ainsi élucidé les cas des premiers exposants (n = 3, 5, 7 — il suffit en effet de prouver le théorème pour 4 et pour les exposants premiers, c'est-à-dire non divisibles par un autre entier supérieur à 1, puisqu'il est alors vérifié automatiquement pour tous les multiples), chacun demandant un redoublement de persévérance et d'astuce.

Les premiers résultats généraux

Un changement important pour les mathématiques prit place dans le courant du xixe siècle : dans les universités ou, en France, dans l'aire d'influence de l'École polytechnique apparurent des mathématiciens professionnels, chercheurs et enseignants, de plus en plus spécialisés. Les effets furent rapides : vers 1850, Ernst Eduard Kummer, professeur à l'université de Breslau (avant de devenir une des grandes personnalités de l'université de Berlin) démontra que le théorème de Fermat est vrai pour tous les exposants premiers inférieurs à 100 (sauf trois possibles exceptions qui échappaient à sa méthode). Pour Kummer même, le théorème de Fermat n'était déjà plus qu'une curiosité ; son principal mérite était de montrer l'efficacité des nouveaux outils mis au point dans des perspectives bien plus vastes. Kummer et ses successeurs, Richard Julius Dedekind, Leopold Kronecker, notamment, cherchèrent à étendre les propriétés de l'arithmétique usuelle à d'autres familles de nombres et à généraliser les notions de divisibilité, de décomposition en facteurs premiers, et bien d'autres. À long terme, ce sont des notions fondamentales de l'algèbre structurale et de la théorie des nombres moderne qui étaient ici en gestation.

Kummer reçut pourtant un prix de l'Académie des sciences de Paris pour ses résultats sur l'équation de[...]

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Écrit par

  • : chargée de recherche au C.N.R.S., université de Paris-Sud, Orsay
  • : agrégé de l'Université, membre correspondant de l'Académie internationale d'histoire des sciences
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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