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DEVAMBEZ PIERRE (1903-1980)

Le 14 janvier 1980 disparaissait Pierre Devambez, qui fut conservateur des antiquités grecques et romaines du musée du Louvre de 1937 à 1973.

Fils d'un peintre membre de l'Institut, Pierre Devambez grandit dans un milieu où le culte de l'art tenait lieu de religion. Des études classiques brillantes – lycées Montaigne et Louis-le-Grand, École normale supérieure, agrégation de lettres – laissaient augurer une carrière universitaire rapide et unie. Six années passées à l'École française d'Athènes, d'autres encore à l'Institut archéologique d'Istanbul infléchirent cependant le cursus ainsi amorcé. L'expérience de la Grèce, meurtrie par l'affreuse issue de l'aventure d'Asie Mineure, lui révéla sa véritable patrie spirituelle. Il y trouva incarnées encore les vertus qui avaient produit cet art qu'il estimait sans égal : ingéniosité, familiarité et vivacité, générosité et respect d'autrui. À Thasos, il mena longtemps les fouilles extensives que permettaient alors le faible développement du village moderne et une technique de fouilles encore peu exigeante. Ce n'est pourtant pas l'importance de ses découvertes qui lui valut de voir son nom donné à l'une des rues les plus importantes du village, rare honneur pour un archéologue, ce sont les rapports personnels qu'il sut établir puis maintenir avec les Thasiens à travers les vicissitudes que connut cette île, longtemps déshéritée.

À son retour en France, il eut la chance d'accéder au poste qui convenait le mieux à son goût pour l'art grec, désormais animé par l'expérience de la Grèce : celui de conservateur au Louvre. Ce beau poste était à vrai dire peu convoité : la modicité du salaire, séquelle d'un temps où les conservateurs étaient très généralement des dilettantes fortunés, supposait l'abnégation d'une vocation impérieuse. Pierre Devambez se voua donc délibérément à l'impécuniosité, ce qui cependant ne restreignit jamais son sens tout grec de l'amitié et de l'hospitalité. Après les années de guerre qui avaient dispersé les collections du Louvre dans diverses retraites, il fallut mettre en place avec fort peu d'argent une nouvelle présentation des antiquités classiques. Tandis que Jean Charbonneaux se consacrait au redéploiement des sculptures dans les salles prestigieuses du rez-de-chaussée, Pierre Devambez présentait les vases grecs – l'une des plus importantes collections du monde – dans les vitrines de la galerie Campana, au premier étage. Alors qu'il s'était orienté à Athènes et Istanbul vers l'étude de la sculpture, comme le montrent ses premiers articles, il se trouva ainsi amené à se consacrer davantage à la peinture sur céramique, où sa sensibilité au dessin et aux problèmes de composition picturale, formée à l'exemple paternel, fit merveille.

C'est à ces temps héroïques que remontent les deux activités qui établirent l'influence de Pierre Devambez : l'accueil au Louvre et l'enseignement. Très vite, en effet, son bureau du Louvre devint le siège d'une communauté fondée sur des affinités humaines où l'âge, la nationalité et même l'emploi ne jouaient aucun rôle. Les étudiants débutants auxquels le maître des lieux ouvrait toutes grandes vitrines et réserves, avec une générosité et une confiance qui ne sont pas si fréquentes, y côtoyaient les plus grands noms de l'archéologie, tandis que les Grecs venus poursuivre leurs études à Paris trouvaient là un second foyer. Car le philhellénisme de Pierre Devambez n'était pas une attitude, c'était un engagement profond vécu au jour le jour dans ce bureau où l'on parlait aussi bien grec que français, affirmé aussi par maints actes publics ou privés, en sorte que c'est sans la moindre forfanterie qu'il put évoquer un jour, en réponse à l'hommage de ses innombrables[...]

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Écrit par

  • : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre

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