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DOUZOU PIERRE (1926-2000)

Biologiste français, promoteur et acteur d'approches originales aux frontières de l'inanimé et du vivant, Pierre Douzou a marqué de sa personnalité attachante la politique scientifique de la France pendant plusieurs décennies.

Né à Millau (Aveyron) le 25 août 1926, Pierre Douzou mène tout d'abord, à l'école du service de santé des armées de Lyon, des études supérieures de pharmacie et, en parallèle, de sciences physiques. En 1952, il s'oriente vers la recherche en rejoignant le laboratoire d'Irène Joliot-Curie à l'Institut du radium à Paris (aujourd'hui l'Institut Curie). Il y soutient, en 1958, un doctorat sur les radicaux libres créés par l'irradiation de molécules biologiques comme la vitamine C. En 1960, Pierre Douzou rejoint Charles Sadron, pour qui la chaire de biophysique du Muséum national d'histoire naturelle vient d'être créée, et il y est nommé maître de conférences - sous-directeur. Avec lui, il met en place une équipe pluridisciplinaire pour développer des recherches sur les macromolécules biologiques que sont les acides nucléiques et les protéines.

En 1966, Pierre Douzou quitte le Muséum pour rejoindre l'Institut de biologie physico-chimique (IBPC) – fondation Edmond de Rothschild – où il crée le service de biospectroscopie. Depuis quinze ans qu'il essaie de traquer les états intermédiaires des réactions biologiques, il est conscient des limites des méthodes de mesure rapide (à l'époque du millième au millionième de seconde) qui permettent seulement de détecter les espèces transitoires. Il se lance alors dans une voie originale et audacieuse qui consiste à ralentir les réactions biochimiques en recourant aux basses températures. Mais il se heurte à une difficulté majeure, celle de la congélation de l'eau qui interdit toute réaction. C'est en étudiant les stratégies biochimiques qui permettent à certaines larves d'insectes de se protéger du froid hivernal mortel, en fabriquant des « antigels », que Pierre Douzou jette les bases de ce qui deviendra la « cryobiochimie ». Il fonde cette approche sur l'analyse systématique des propriétés physico-chimiques de milieux contenant à la fois de l'eau et des solvants organiques, qui permettent une expérimentation à de basses températures (jusqu'à – 100 0C) tout en conservant l'activité des molécules biologiques. Les réactions sont alors ralenties des milliers, voire des millions de fois, ce qui permet de stabiliser des espèces intermédiaires fugaces, de les isoler et de les étudier. Pierre Douzou ajoute ensuite les hautes pressions hydrostatiques à la panoplie des outils de perturbation des molécules biologiques, débouchant ainsi sur une « biologie aux conditions extrêmes ». Cette évolution de la biochimie fondamentale vers l'étude des systèmes complexes entrait tout à fait dans la logique conceptuelle de Pierre Douzou ; il cultivait une curiosité extrême pour l'analyse des organismes vivants qui lui apparaissaient comme un réservoir de stratégies originales mises en place par la nature pour répondre aux défis de l'adaptation à l'environnement. C'est dans cet esprit que le Muséum créa pour lui, en 1977, la chaire de physico-chimie de l'adaptation biologique, qu'il occupa jusqu'à sa retraite.

Pierre Douzou a mené de front une double carrière scientifique, civile et militaire. Parallèlement aux postes qu'il occupe au Muséum et à l'IBPC, il est professeur au Val-de-Grâce de 1965 à 1971, puis pharmacien-chimiste en chef à partir de 1971. Quand il rejoint l'IBPC, il dirige successivement une unité de recherche de l'École pratique des hautes études, puis, à partir de 1975, une unité de recherche de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) qu'il délocalisera en partie à Montpellier et qu'il[...]

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Écrit par

  • : professeure au Muséum national d'histoire naturelle, directrice de l'unité 806, Institut national de la recherche agronomique
  • : professeur au Muséum national d'histoire naturelle, directeur de l'unité 201, I.N.S.E.R.M.

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