BAYARD PIERRE DU TERRAIL seigneur de (1475-1524)
Le « Chevalier sans peur et sans reproche » a joui en Europe, de son vivant, d'une renommée privilégiée, puis, après sa mort, a été considéré comme un modèle historique glorieux. Incarnation du « bon chevalier », il est aux yeux de ses contemporains l'archétype d'un idéal de vie que Cervantès, un demi-siècle plus tard, et non sans remords, va tourner en dérision. L'épopée du héros des guerres d'Italie, comme celle de Jeanne d'Arc et celle de Du Guesclin, est admirée non seulement par l'Ancien Régime, mais encore élevée au niveau du mythe par les maîtres d'école, après 1789. La biographie du « loyal serviteur » : La Très Joyeuse, Plaisante et Récréative Histoire du chevalier Bayard, naïvement enluminée par Jacques de Mailles, y est pour beaucoup.
La famille dauphinoise du Terrail illustre bien les destins de la noblesse des xive et xve siècles. En cinq générations, quatre ancêtres ont été victimes des massacres des vains combats de la guerre de Cent Ans, qui ont entraîné l'hécatombe de la noblesse française. La vie de Bayard est l'un des grands moments d'une histoire qui reste à écrire : celle de l'honneur et d'un certain art de vivre et de mourir. D'abord page à Chambéry, Bayard s'entraîne dans les tournois. En 1494, il se trouve à la bataille de Fornoue, participe à la dure expédition des Pouilles, s'illustre en 1504 à la fameuse défense du pont du Garigliano. Protégé d'Anne de Bretagne, il se trouve en 1505 à la Cour, de passage à Blois, et se rend ensuite au pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. En 1507, il force le passage des Apennins devant Gênes, « prêté » à l'empereur Maximilien, puis à Alphonse d'Este (l'époux de Lucrèce Borgia) ; il tente en 1510 d'enlever le pape Jules II, puis passe en 1512 au service de Gaston de Foix. Blessé à Brescia, il sauve du pillage et du déshonneur la femme d'un gentilhomme qui l'a recueilli. En 1513, il combat en Navarre, mais il est fait prisonnier en Flandre à la journée des Éperons. Libéré, il est nommé gouverneur du Dauphiné, participe en 1515 à la bataille de Marignan, où il adoube le roi. En 1521, il défend Mézières contre Franz von Sickingen. Ami du duc de Bourbon, il semble ensuite avoir été quelque peu mis à l'écart. Il est blessé au cours de la retraite, après le siège de Milan. Sa mort exemplaire, le 30 avril 1524, trouve son apothéose dans la phrase célèbre, lancée au duc de Bourbon, devenu le chef de l'armée ennemie : « J'ai pitié de vous, de vous voir servir contre votre prince et votre patrie et votre serment. » En somme, la vie d'un chef subalterne : ni grands emplois, ni commandement en chef. François Ier a avoué qu'il méritait les « plus hautes charges », mais s'est bien gardé de les lui donner. D'où une extraordinaire disparité entre le rôle « objectif » de l'homme et sa renommée. C'est un homme du passé. Interrogé après la journée des Éperons par Maximilien, qui lui faisait remarquer qu'on disait, en Italie, que « Bayard ne reculait jamais », il eut cette réponse significative : « Si j'avais fui, je ne serais pas ici. » L'attitude est celle de Jean le Bon à Poitiers, de François Ier à Pavie. Bayard est tué d'un coup d'arme à feu, lui qui déclarait que « c'est un grand crève-cœur qu'un homme vaillant soit tué par [...] un abject friquenelle ». Célibataire, il a pour la femme des admirations enfantines, pour madame de Fluxas, par exemple, qui a un fils dont il assure l'éducation. La renommée ne le célèbre pas seulement pour son courage, mais comme le parfait chevalier qui s'oppose au pillage des villes prises et fait respecter la vertu des femmes : l'épisode de Brescia, évoqué plus haut, est loin d'être unique dans sa vie. Cet homme « courtois »[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean MEYER : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes
Classification