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EMMANUEL PIERRE (1916-1984)

Aucun poète français, depuis les grands romantiques, n'aura été aussi « engagé » dans son époque. « Écho sonore » de tous les conflits dont elle retentit et qui ont culminé en l'an 40. L'acte de naissance poétique de Pierre Emmanuel est à ce millésime.

Mais, à la différence de ses illustres devanciers, Pierre Emmanuel, si véhémentement qu'il le dénonce, ne s'en tient pas à l'événement pour lui-même. Son lyrisme le prend au tragique – aussi bien a-t-on pu évoquer Agrippa d'Aubigné plus que Les Châtiments – comme signe accidentel d'une tragédie éternelle qui le dépasse. Il s'y appuie pour le pousser à la hauteur d'un symbole. Il l'insère – et pas seulement la guerre – dans une vision à la fois personnelle et universelle de l'histoire, de l'aventure humaine, dont le sens est chrétien.

Au commencement était le verbe. Il faut l'entendre d'abord de l'opération poétique, avant que l'identification mystique – le Verbe divin – fournisse à celle-ci un répondant et en fasse une épiphanie.

Ainsi résumerait-on un itinéraire de quarante années, jalonné par une trentaine d'ouvrages. Itinéraire spirituel et poétique, c'est tout un, gouverné par Le Goût de l'Un comme s'intitule l'essai (1963) qui le récapitule et en annonce les plus récents prolongements.

Naissance d'un poète

Né à Gan, près de Pau, le 3 mai 1916, de mère béarnaise, fille d'un maître-maçon, et de père dauphinois, tôt émigrés aux États-Unis, Pierre Emmanuel a eu une enfance pratiquement orpheline « chez les frères » à Lyon. Voué au métier d'ingénieur, il songea cependant à devenir philosophe. Il eut révélation de la poésie par La Jeune Parque, grâce à son professeur de mathématiques en « hypotaupe ». Alors qu'il enseignait dans une institution libre de Pontoise et s'essayait à des poèmes imités de Paul Eluard, la rencontre et l'influence de Pierre-Jean Jouve furent décisives.

Son premier recueil, Élégies, édité par Les Cahiers des poètes, à Bruxelles, parut, si l'on peut dire, le 9 mai 1940.

Hormis les initiés des revues, on découvrit Pierre Emmanuel avec un volume à l'enseigne de Poésie 41, intitulé Tombeau d'Orphée, qui fit sensation. Quand même on pouvait être déconcerté par la forme abrupte, par le lyrisme torrentiel, les images violentes avec érection de majuscules – Sang, Sexe, Mort – et par ce que le thème recelait d'ésotérisme sous le tumulte éloquent, on ne doutait pas qu'un poète avait surgi, promis à la grandeur.

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