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GOLDMAN PIERRE (1944-1979)

Le 20 septembre 1979, Pierre Goldman est assassiné à Paris, à trente-cinq ans, fauché par les balles de trois tueurs inconnus. Ainsi meurt un juif polonais militant, délinquant, intellectuel et écrivain, né en France. Cette énumération d'« identités » a une histoire, dont l'épisode le mieux connu – le plus public en tout cas, à défaut d'être l'essentiel – est d'ordre judiciaire.

Le 14 décembre 1974, en effet, la cour d'assises de Paris condamne Pierre Goldman à la réclusion criminelle à vie pour trois attaques à main armée, qu'il reconnaît, et pour le meurtre, dont il s'affirme innocent, de deux pharmaciennes du boulevard Richard-Lenoir.

Deux ans plus tard, le verdict est cassé pour vice de forme. Le 4 mai 1976, Pierre Goldman comparaît devant la cour d'assises de la Somme ; les jurés l'acquittent du double meurtre et le condamnent à douze ans de réclusion pour les hold-up assumés. Une licence de philosophie, une maîtrise d'espagnol – obtenues en prison –, sa bonne conduite et une grâce administrative lui valent une réduction de peine. Le 5 octobre 1976, Pierre Goldman sort de la prison de Fresnes. « Je suis né le 22 juin 1944 à Lyon, en France, en France occupée par les nazis (longtemps j'ai pensé que j'étais né et mort le 22 juin 1944). Je suis juif. » En prison, Pierre Goldman écrit. Surmonte « le dégoût d'écrire » pour lutter pour son acquittement.

Alors même que se gonflait l'« affaire Goldman » et que l'atmosphère devenait de plus en plus houleuse, son procès l'avait vu silencieux. Il avait voulu être jugé sur les faits. « Innocent parce qu'innocent », il avait décidé de ne faire citer aucun témoin pour sa défense. Condamné, la tentation de l'ombre et du silence qu'offre la réclusion – « Je n'étais pas spécialement amant de la vie » – ne résiste pas au scandale qu'il éprouve d'être pris pour un autre. C'est ainsi que surgissent et s'ordonnent les Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France, publiés en 1975.

Dans un long curriculum vitae, il raconte ses origines – son père fuyant les pogromes, ses grands-parents martyrisés –, sa naissance dans la clandestinité et la résistance juive : « Dans mon berceau il y avait des tracts et des armes. » Comment faudrait-il faire ensuite pour ne pas se trouver « privé d'histoire » ?... Les années d'enfance et d'adolescence lui sont bien mornes, « longue rêverie inerte qu'anima, seul, le spectacle d'Auschwitz, d'Oswiecim en Pologne », éblouies tout de même par la révélation de la musique antillaise, traversées, lors d'une « mutinerie » lycéenne, par la première expérience de « la volupté des instants de libération et de révolte », marquées par l'adhésion à l'Union des jeunesses communistes. Avec un talent désespéré, Goldman décrit sa vie d'étudiant qui n'étudie guère, submergé par l'obsession lancinante et douloureuse du temps et de la mort. Il milite pourtant, fait le coup de poing avec les membres du service d'ordre de l'Union des étudiants communistes, est même élu membre du comité national avant que l'U.E.C. ne rejoigne le giron du P.C. Mais il lui faut d'autres horizons à sa révolte.

« C'est alors qu'à la fin de l'été 1964, qui me fut normalement triste, je fus saisi d'une fête qui venait de Cuba. Dans le plaisir de cette musique et de cette danse et de contempler ces êtres venus des Caraïbes et d'entendre ce parler hispanique si spécial, me vint la langueur de n'être pas dans cet espace, d'en être privé. Et je voulus m'y rendre et m'y battre et je sentais que la mort pourrait m'y être douce et je m'épris de ces peuples et de ce langage et de cette culture et je pensais qu'il me serait enfin possible de combattre[...]

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