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GUIRAUD PIERRE (1912-1983)

Décédé à Paris le 2 février 1983, Pierre Guiraud est né à Sfax (Tunisie) le 26 septembre 1912. Professeur de français, il exerce surtout à l'étranger : en Roumanie, en Hongrie, en Tchécoslovaquie, enfin en Grande-Bretagne et, plus longuement, à l'université de Groningue (Pays-Bas). Ce n'est que tardivement qu'il décide de présenter une thèse de lettres sur la poétique de Paul Valéry.

Il est alors nommé professeur de linguistique générale à l'université de Nice (1963), tout en conservant une activité d'enseignement aux États-Unis, à Bloomington et à Vancouver : carrière universitaire peu habituelle, marquée d'un certain dédain (qui ne lui valut pas que des amis) pour le cursus honorum traditionnel. Parti de préoccupations littéraires très classiques (Valéry, Apollinaire, Corneille), il s'intéresse de plus en plus aux problèmes du lexique des œuvres, d'abord sous leur aspect statistique, puis dans leur perspective historique. L'étude des ballades argotiques de Villon l'amènera, d'une part, à voir dans l'argot un champ de découvertes prometteur, d'autre part, à présenter ces ballades, encore indéchiffrées, comme un jeu complexe de « significations » emboîtées (Le Jargon de Villon, ou Le Gay Savoir de la Coquille, 1968 ; Le Testament de Villon, 1970). La combinaison de la statistique lexicale (Problèmes et méthodes de la statistique linguistique, 1960) et d'une approche structurale mène à son œuvre théorique essentielle, les Structures étymologiques du lexique français (1967).

Jusqu'alors, la recherche étymologique portait, comme il est normal, sur l'histoire de mots, plutôt que sur une histoire des mots ; elle procédait en quelque sorte au coup par coup. Pierre Guiraud, à partir des immenses dépouillements réalisés par W. von Wartburg pour le Französisches etymologisches Wörterbuch (Dictionnaire étymologique du français) montre que, sous-jacents à l'histoire d'un grand nombre de mots, des « modèles » permanents expliquent souvent l'apparition et le succès de mots dont l'étymologie classique (latine ou germanique) ne permet pas de rendre compte. II va ainsi réunir des verbes ou des noms aussi divers que billebaude, bouleverser, boursoufler, calembour, charivari, culbuter, faribole, batifoler, houspiller, trimballer, etc. à la fois selon un critère de forme (ce sont des mots à redoublement ou à « duplication », comme virer+ volter = virevolter) ; et selon un critère de sens (ils expriment tous une idée de mouvement désordonné). De même, le rapprochement de la grive (oiseau), du maquereau (poisson), du marcassin (mammifère), etc. fait ressortir l'importance de la tache ou de la marque sur la peau comme « matrice » étymologique de noms d'animaux. Et Pierre Guiraud d'écarter, en conséquence, les anecdotes étymologiques habituelles, et presque toujours sans valeur, pour accéder à une perspective de la formation du vocabulaire français à la fois synchronique (les modèles sont permanents) et diachronique (les créations à partir de ces modèles sont accidentelles et datables).

Un Dictionnaire érotique (1977), auquel fait suite une Sémiologie de la sexualité (1978), devait être, de sa part, une première démonstration de l'efficacité de cette approche. Elle n'est pas entièrement convaincante. Sans doute le domaine exploré était-il trop vaste et trop divers (à la fois poétique, technique, argotique et rhétorique) pour se prêter globalement à une description organisée. Sa dernière œuvre publiée, le Dictionnaire des étymologies obscures (1982), fait en revanche la démonstration attendue : derrière les « accidents » étymologiques, des « modèles » socioculturels durables permettent de les expliquer et de les prévoir.

Nous devons également à Pierre Guiraud un nombre[...]

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  • ÉTYMOLOGIE

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    • 5 411 mots
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