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HADOT PIERRE (1922-2010)

La philosophie en images selon ses choix symboliques

De la même façon que chez les philosophes de l'Antiquité, la mythologie est, à diverses reprises dans l'œuvre de Pierre Hadot et en particulier dans sa magnifique édition commentée des Ennéades de Plotin, mise en parallèle avec la métaphysique. Son langage imagé aidait, pour les Anciens, férus d'exégèse allégorique des mythes, à la compréhension de la pensée. Pour les lecteurs d'aujourd'hui, qui appartiennent à une tout autre culture, ce langage apparaît parfois plus impénétrable encore que le raisonnement abstrait. Il doit donc être interprété. Le choix d'images qui se présente dans les analyses de Pierre Hadot s'explique soit par la signification particulière qui leur a été attribuée comme figures symboliques de l'itinéraire spirituel et de la philosophie, soit par le rôle qu'elles ont été appelées à jouer sur une longue durée dans l'histoire de la philosophie et de l'esthétique.

Il peut s'agir, en effet, de personnages mythologiques des légendes grecques à la signification relativement simple, comme Narcisse, amoureux de son propre reflet dans l'eau et se perdant dans l'élément liquide, symbole de la matière, ou comme Ulysse, sorte de Narcisse inversé, échappant aux passions et sortilèges de la mer pour atteindre sa vraie patrie, le Bien paternel, ou de figures beaucoup plus complexes, par exemple celle de Zeus placée au terme des générations de dieux primordiaux selon le mythe hésiodique ou marchant en tête du cortège des dieux et des âmes selon le mythe platonicien du Phèdre. Dans l'interprétation plotinienne antignostique restituée par Pierre Hadot en 1981, Zeus devient une figure de l'âme, modèle du voyant et du philosophe en quête de la beauté intelligible « enchaînée », enfermée en ses propres limites dès lors que l'intellect identifié symboliquement à Kronos se définit lui-même, avec tout l'univers des formes, comme étant celui qui « mutile Ouranos », c'est-à-dire donne un coup d'arrêt au mouvement de génération infinie qui émane de l'un et le transforme en un mouvement de conversion vers soi et vers la source de toute intériorité.

Il peut s'agir aussi de symboles pris pour modèles fondateurs de la pensée, figures quasi mythifiées de sages historiques comme Socrate, Marc Aurèle, Plotin ou Goethe, maximes et aphorismes de sagesse comme ces « miroirs de princes », qui plongent leurs racines dans l'antique Orient, resurgissent avec Platon et prolifèrent au Moyen Âge en latin, arabe et persan, formules de physique (la nature ne fait rien en vain, aime à se cacher, fuit à l'infini) et métaphores anthropomorphiques (plante céleste, nature magicienne, chaîne d'or, secrets de la nature, visage de la terre vue d'en bas en ses paysages ou d'en haut lors du voyage cosmique), ou bien encore fictions littéraires.

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  • LE VOILE D'ISIS. ESSAI SUR L'HISTOIRE DE L'IDÉE DE NATURE (P. Hadot)

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    « Nature aime à se cacher ». Vers 500 avant notre ère, le penseur grec Héraclite déposa dans le temple d'Artémis, à Éphèse, un ouvrage probablement sans titre, et qui contenait cet aphorisme énigmatique. En fait, la sentence d'Héraclite signifie probablement que ce qui naît (« nature ») tend à disparaître...