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PIERRE Ier LE GRAND (1672-1725)

Absolutisme et opposition

Sur cette base matérielle s'édifie un système de gouvernement qui associe un pouvoir absolu, arbitraire, à la fonctionnarisation des deux classes privilégiées qui sont les cadres de l'État : clergé et noblesse. Dès 1700, profitant de la mort du patriarche Adrien, le tsar crée un prikaz des monastères, bureau laïc qui prend en charge les biens immeubles d'Église et procède, avant sa suppression en 1720, à un certain nombre de sécularisations. Mais surtout, le patriarche n'est pas remplacé, et au patriarcat succède en 1721 un Saint-Synode, que préside à partir de 1722 un procureur général, fonctionnaire aux ordres du tsar. Sous Pierre le Grand, la Russie est tombée dans le « césaropapisme » (Pierre Pascal, Avvakum et les débuts du raskol, la crise religieuse au XVIIe siècle en Russie). Quant aux nobles, obligation leur est faite de servir, soit à titre militaire, soit à titre civil ; ils sont placés autoritairement dans une hiérarchie de titres officiels (la table des rangs), correspondant à des niveaux différents de fonctions dans l'État (1722). La table des rangs (čin) permettait d'autre part à de simples roturiers de s'élever à la noblesse par la fonction, écrémant ainsi une bourgeoisie déjà peu nombreuse.

L'exercice de l'autorité souveraine fut facilité également par une série de réformes administratives : création d'un Sénat (1711), qui succède à la Douma des boïars et est surveillé par un procureur, formation de « gouvernements » en province (1718-1720), début d'organisation de municipalités très dépendantes du pouvoir dans les grandes villes. L'ensemble de ces mesures tendait à assurer l'obéissance de la population tout entière.

Une telle activité, ignorant la force des traditions, ne pouvait manquer de susciter de fortes résistances ; le règne de Pierre le Grand n'a pas été, sur le plan intérieur, une période de calme. De 1705 à 1720 le pays a connu un état d'insurrection permanente. La pression fiscale et les réquisitions de chevaux, lourdes aux peuples colonisés, ont provoqué un soulèvement des Baškirs qui a trouvé un écho chez les peuples nomades des steppes d'Asie centrale ; la dissidence baškir ne prit fin qu'en 1720-1728, lorsque les troupes, libérées de la guerre suédoise, purent agir en force contre les révoltés. Mais tandis que se déroulait cette guerre coloniale, le gouvernement dut faire face à la sécession de la ville d'Astrakhan (1705-1706) contre laquelle il lança une expédition punitive sous le commandement du général Šeremetev, puis au soulèvement beaucoup plus grave des paysans de la région du Don, dirigés par le Cosaque K. A. Bulavin (1707-1708). Dans ces zones marginales où se réfugiaient des fugitifs refusant l'autorité du pouvoir central, les liens du servage et le poids des impôts, la paysannerie suscitait depuis le xviie siècle des troubles périodiques, qui trouvaient leur origine dans la haine contre les grands propriétaires et les administrateurs de l'État. Le soulèvement de Bulavin qui se propagea jusque vers la Volga nécessita une véritable campagne militaire de reconquête, à peine terminée en 1709.

Cependant la politique de Pierre le Grand rencontrait une opposition dans son entourage même. Son mépris de l'homme, sa brutalité, son indifférence religieuse dressèrent contre lui une partie de l'aristocratie, mécontente de l'obligation de servir, et la presque totalité du clergé, se rassemblant autour du tsarevitch Alexis, personnage falot, mais « orthodoxe fanatique » (K. Waliszewski), que son conservatisme et sa piété rendaient populaire. Bien qu'il eût renoncé à ses droits à la couronne lorsque de sa seconde femme, Catherine, Pierre eut un fils en 1715, Alexis restait le centre d'une opposition, que son père brisa sans considération morale ni familiale.[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

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Pierre le Grand (1672-1725) - crédits : G. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Pierre le Grand (1672-1725)

1700 à 1800. L'âge des Lumières - crédits : Encyclopædia Universalis France

1700 à 1800. L'âge des Lumières

<em>La Bataille de Lesnaya</em>, J.-M. Nattier - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

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