JANET PIERRE (1859-1947)
Philosophe et psychiatre français. Neveu du philosophe Paul Janet qui l'orienta vers la philosophie, Pierre Janet entra à l'École normale supérieure et fut reçu à l'agrégation en 1882. Professeur aux lycées de Châteauroux puis du Havre, il soutient, en 1889, sa thèse de doctorat en lettres (L'Automatisme psychologique). L'orientation psychopathologique de ce travail l'amène à diriger, à partir de 1890, le laboratoire de psychologie de la clinique neuropsychiatrique de la Salpêtrière, dirigée par Charcot auquel Raymond va bientôt succéder. Janet y termine ses études de médecine, il obtient le doctorat, en 1894, avec sa thèse L'État mental des hystériques. On lui confie en 1895 la suppléance du cours de Ribot au Collège de France, puis il est chargé de cours à la Sorbonne en 1896, maître de conférences en 1899, et enfin titulaire au Collège de France en 1902. Son enseignement y est suivi par un nombreux public qui, souvent plus mondain que scientifique, est attiré par son talent d'orateur éclectique, toujours porté à de brillantes généralisations philosophiques. Paul Janet meurt couvert d'honneurs, mais assez isolé des courants universitaire et scientifique de la psychologie pathologique, qui est alors dominée par la psychophysiologie pavlovienne et par la psychanalyse.
L'œuvre de Janet, qui, malgré son importance considérable, est assez négligée par les psychopathologistes contemporains, porte sur trois domaines principaux : étude des névroses, psychologie des conduites, psychopathologie sociale. La première, que Janet entreprit dans le service de Charcot, et en collaboration avec Raymond, comporte de remarquables descriptions cliniques et psychopathologiques de l'hystérie, des phobies, des obsessions ; Janet isole, en particulier, une nouvelle entité morbide, la psychasthénie, dont Freud fera la névrose obsessionnelle. Dans le domaine de la psychologie des conduites (actes plus ou moins élémentaires mais complets, comportant chacun son but et ses moyens propres), Janet établit la hiérarchie de celles-ci dans l'activité psychique, en insistant sur l'aspect descriptif et analytique ; il dépasse ainsi une classification fondée au départ uniquement sur le degré de force, de tension psychologique qui leur est nécessaire. Dans la psychopathologie sociale de Janet apparaissent l'importante notion du socius, image sociale de soi, et les problèmes de la croyance morbide à propos du délire de persécution, dont la pathogénie est reprise dans une perspective structurale et dialectique qui s'oppose à celle, purement linéaire, de Sérieux et Capgras.
Bien qu'il souscrive de manière excessive aux doctrines officielles de l'hérédo-dégénérescence en psychiatrie et de l'associationnisme en psychologie, Pierre Janet entrevoit cependant l'importance de la sexualité dans la pathogénie des troubles névrotiques, et fait l'hypothèse de l'existence d'un « subconscient », qui se rapproche, en plusieurs points, de l'inconscient freudien. C'est pourquoi l'on a pu parler d'une certaine antériorité de Janet par rapport à Freud dans la découverte de la psychanalyse. Mais cette question et le conflit qui a surgi entre les deux hommes n'ont qu'un intérêt limité. On pourrait seulement se demander si, partis de connaissances voisines et plongés dans un bain culturel presque identique, ces deux marginaux de la psychiatrie, l'un venant de la neurologie, l'autre de la philosophie, n'ont pas eu, à la même époque, une clairvoyance similaire sur la pathogénie sexuelle et inconsciente des névroses. Mais, alors que Freud sait s'opposer au discours médical officiel et accomplir la « révolution analytique », Pierre Janet, engoncé dès le début dans le discours universitaire et académique et n'ayant pas le courage de le dénoncer, sacrifie l'originalité de ses recherches à une psychopathologie « rationnelle[...]
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Écrit par
- Jacques POSTEL : médecin-chef au centre hospitalier Sainte-Anne, Paris
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