JOUVE PIERRE JEAN (1887-1976)
Femmes
Les Noces (1931) inaugurent l'œuvre nouvelle. Jouve écrit « le mot du premier mot du livre » qui scelle l'alliance entre la poésie et les valeurs spirituelles. Le poète s'est libéré du monde pour s'abandonner, en de mystérieuses noces mystiques, aux volontés du Père. Poème de la soumission et de la naissance, Les Noces mûrissent lentement, de 1925 à 1931. Dans le même temps, Jouve travaille à un Paradis perdu (1927), où apparaît le thème de la Faute, et surtout à son œuvre romanesque. Pendant dix ans, la création romanesque et l'inspiration poétique vont s'entrecroiser. En 1925, paraît Paulina 1880, roman du déchirement de la foi par la volupté, qui marque déjà le rapport dialectique étroit entre l'Amour et la Faute. La jeune Paulina essaie d'échapper à son amant Michele et se réfugie dans un couvent de visitandines où elle devient vite indésirable. Elle se redonnera donc à Michele, mais – scène capitale – le tuera. Si Florence sert de cadre à Paulina 1880, Genève est le centre du Monde désert où le conflit à deux devient un drame à trois personnages. Pour n'avoir éprouvé qu'un amour filial à l'égard de la sensuelle Baladine, Jacques de Todi est supplanté par Luc Pascal. En possédant Baladine, Luc provoque la mort de Jacques. Mais, au lendemain de leur mariage, Luc est abandonné par Baladine. « Pas de grande vie sans grande mutilation. » Luc se réfugiera donc dans la poésie, née pour lui d'un manque. Le Monde désert est le récit d'une ascension vers la poésie qui, seule, parvient à réaliser l'unité désirée, par-delà la vie et la mort. Des poèmes de Luc Pascal seront plus tard insérés dans Les Noces. En ce sens, l'expérience romanesque est une invite à la création poétique. Hécate (1928) et Vagadu (1931) content l'histoire de Catherine Crachat qui, elle aussi, aime et donne la mort. Dans Vagadu, Jouve s'est inspiré d'une véritable expérience de psychanalyse pour approfondir son personnage fictif.
Si les destins féminins fascinent l'écrivain, c'est que la vie lui a offert d'étranges rencontres et des « amours bizarres ». Lisbé apparaît à Jouve en 1909 ; il la retrouve, vingt-quatre ans plus tard, mariée à un officier. Ce fait l'intrigue. Très jeune, Jouve a connu à Arras une femme d'officier dont il a embrassé la prodigieuse et fauve chevelure. L'image des deux femmes se superpose alors et contribue à la naissance du personnage mythique d'Hélène. À la fin de Dans les années profondes – un des plus beaux récits de Jouve – Hélène meurt au cours de l'acte érotique. Deux années plus tard, le poète apprend que Lisbé est morte. Cette mort, il l'avait secrètement pressentie ; désormais, l'œuvre romanesque est achevée. Esprit mutilé des ténèbres, Jouve va arpenter le mètre poétique.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Daniel LEUWERS : professeur de littérature contemporaine à l'université de Tours
Classification
Autres références
-
LA BEAUTÉ DU MONDE (J. Starobinski) - Fiche de lecture
- Écrit par Yves LECLAIR
- 1 039 mots
- 1 média
Deux poètes, Charles Baudelaire et Pierre Jean Jouve, semblent plus chers aux interrogations du critique et font l'objet de nombreux essais qui portent, chez l’un, sur la rime, la mélancolie, l’artiste saltimbanque, le mal, l’immortalité, le temps, le critique d’art, et chez l’autre, dont il fut l’ami,...