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JOUBERT PIERRE (1910-2002)

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L'illustrateur français Pierre Joubert est né le 27 juin 1910 à Paris. Pendant la Première Guerre mondiale, il est auprès d'un oncle à Dieppe où il découvre les joies de la bagarre avec les gamins du port. De retour à Paris en 1918, c'est un excellent élève à l'école primaire, médiocre au collège, sauf en dessin. Il entre donc à quatorze ans sur dossier à l'École des arts appliqués et choisit la publicité en deuxième année.

En visite chez les scouts par curiosité, il est séduit par le charme des grands jeux et entre aux Scouts de France en novembre 1925. Il y restera trente-deux ans.

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À dix-sept ans, il est employé à l'atelier de dessin de l'imprimerie de la revue L'Illustration où il exécute des travaux de commande. Dès novembre 1927, il collabore bénévolement à la revue Le Scout de France et rencontre Pierre Lamoureux qui deviendra célèbre comme écrivain sous le pseudonyme de Jean-Louis Foncine.

En 1932, il fait son service militaire à Strasbourg et se lie d'amitié avec Yves de Verdilhac, le fils de son colonel. Ils vont tracer ensemble les grandes lignes du premier volume (Le Bracelet de vermeil, publié en 1937) d'une série pour adolescents qui sera un des plus grands succès de la seconde moitié du xxe siècle : la saga du Prince Éric. En 1934 il quitte L'Illustration, car le succès du mouvement scout permet désormais de salarier un dessinateur à plein temps. Il restera salarié des Scouts de France pendant près de vingt ans et ne cessera de créer des illustrations, couvertures, calendriers, ouvrages techniques pour différents mouvements scouts jusqu'à la fin de sa vie. C'est lui qui fixera la silhouette du scout des années 1950, concevra son insigne et fixera le cérémonial des Scouts de France.

En 1937, Le Bracelet de Vermeil, qui a été refusé par plusieurs maisons d'éditions, est finalement accepté par Alsatia, petit éditeur alsacien dont il fera la fortune. Là aussi, c'est Joubert qui trouve le sigle (une tente et une flèche) et le nom de la collection, Signe de Piste. Il illustrera plus de deux cents volumes de la collection et de ses satellites.

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En 1953, un ami belge lui demande d'illustrer les couvertures d'une nouvelle collection de livres de poche pour adolescents : il peindra plus de quatre cents gouaches pour Marabout Junior au cours des vingt années suivantes, dont plus de cent Bob Morane. Il serait donc extrêmement réducteur de ne voir en Joubert que l'illustrateur de l'adolescence et du scoutisme. Passionné d'histoire, il donnera d'admirables planches didactiques aux éditions Rossignol et C.D.N. ; la préhistoire, les royaumes barbares, les Vikings, les Mayas, le xviie siècle revivent sous son pinceau en tableaux subtilement colorés, rehaussés d'un humour espiègle dans cinq volumes de la collection La Vie privée des hommes (Hachette) et deux volumes chez Ouest-France. Son amour, plus tardif, mais non moins vif, pour la mer produira d'authentiques chefs-d'œuvre souvent exposés (par exemple, au musée de l'Île de Ré en 2002). Le musée de la Marine lui proposera d'ailleurs le statut enviable de peintre officiel, qu'il déclinera, préférant garder sa liberté. À l'orée des années 1980, une série d'albums anthologiques luxueux publiés chez Alain Littaye et chez Glénat mettront enfin en relief la multiplicité et l'étendue de ses talents. Hélas, sa vue ira en se dégradant jusqu'à une cécité quasi complète à la fin de sa vie. Il meurt dans son appartement de La Rochelle dans la soirée du 13 janvier 2002.

Joubert aimait la beauté, ce qui est banal. Employé des Scouts de France, puis de Signe de piste, il avait pour commande de dessiner des milliers d'adolescents. Beaux, forcément : il ne pouvait dessiner la laideur. Des esprits chagrins y virent une incitation à l'homosexualité adolescente, voire à la pédophilie, ce que ce chef scout père de sept enfants, grand-père de quinze n'avait pas envisagé. Lorsque dans les années 1960 le scoutisme passa de mode, il fut de bon ton de l'accuser : militarisation précoce, culte du chef, etc. Joubert, son dessinateur emblématique, fut donc le premier visé. Après une évasion acrobatique, il avait rejoint en 1940 la rédaction de Scout repliée à Vichy. Une étude pointilleuse de la revue pendant les années de guerre montre que jamais Joubert ne mit son crayon au service du maréchal, mais cela n'empêcha pas la ville de Mons, relayée par quelques journaux belges, de traîner son nom dans la boue.

Généreux, sensible et d'une droiture sans faille, il ne trahira pas ses amitiés adolescentes, même si les cheminements idéologiques de ses amis furent parfois diamétralement opposés aux siens. Lui-même se présentait comme un royaliste socialiste, déclarant : « En France, la pire abomination c'est Le Pen » (À propos de Bob Morane). Beaucoup voyaient en lui un grand artiste ; humble artisan jusqu'au bout, il ne se voulait qu'« imagier ».

— Jacques DUTREY

Bibliographie

S. Caluwaerts, À propos de Bob Morane, Nautilus, Charleroi, 2001

J. Dutrey, Bibliographie Pierre Joubert, Alain Gout, La Ciotat, 2001

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J.-L. Foncine, Pierre Joubert, illustrateur de l'adolescence, Épi, Paris, 1979

P. Joubert, Souvenirs en Vrac, Éditions universitaires, Paris, 1986

B. Poirot-Delpech, « Pierre Joubert, l'illustrateur du scout modèle », in Le Monde, 3 janvier 2002

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M. Tournier, Le Tabor et le Sinaï, Gallimard, Paris, 1988.

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Écrit par

  • : professeur d'anglais, historien de la bande dessinée

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