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JURIEU PIERRE (1637-1713)

Théologien et controversiste calviniste français, Pierre Jurieu, né à Mer, près de Blois, était fils de pasteur et le petit-fils du théologien Pierre du Moulin (1568-1658). Après avoir étudié à Saumur et à Sedan, il se rend en 1660 environ aux Pays-Bas et en Angleterre. En 1661, il devient suffragant de son père, puis pasteur à Mer et, pour un temps, à Vitry-le-François. Il rédige alors l'Examen du livre de la Réunion du christianisme, où il reprend de manière critique les thèses d'I. Huisseau, tout en disant son intérêt pour la définition d'un nombre limité de points fondamentaux controversés. Il devra à ce propos se défendre contre la censure du synode de Saintonge. Son Traité de la dévotion (Rouen, 1674), maintes fois réédité, et son ouvrage plus tardif, intitulé La Pratique de la dévotion ou Traité de l'amour divin (Rotterdam, 1700), expriment un aspect de sa réflexion qui annonce le piétisme.

En 1667, il épouse Hélène du Moulin, qui, une fois veuve, suivra dans leur exil les « prophètes » protestants et mourra en Angleterre, en juillet 1720. En 1674, après la soutenance de ses thèses sur la kabbale et sur le « pouvoir des clefs », il est reçu docteur et nommé professeur de théologie à l'Académie protestante de Sedan. Certains de ses ouvrages tardifs permettent de retrouver des traces de cet enseignement, tels le Traité de la nature et de la grâce (Utrecht, 1688), rédigé contre C. Pajon (1626-1685), auquel Jurieu reproche très tôt de trop accorder à l'homme dans l'œuvre de la régénération, et l'Histoire critique des dogmes et des cultes bons et mauvais qui ont été dans l'Église depuis Adam jusqu'à Jésus-Christ (Amsterdam, 1704). Déjà, Jurieu fait œuvre de polémiste : contre Antoine Arnauld (1612-1694) avec l'Apologie pour la morale des réformés (Quevilly, 1675) ; contre Bossuet avec le Préservatif contre le changement de religion (Rouen, 1680) et La Politique du clergé de France (Amsterdam, 1680). Dans son Traité de la puissance de l'Église (Quevilly, 1677), il introduit ses réflexions sur la souveraineté du peuple, qui peut déléguer celle-ci. D'autres écrits prolongent les polémiques contre Arnauld, Bossuet, Nicole et Maimbourg, telle son Histoire du calvinisme et celle du papisme mises en parallèle (Rotterdam, 1682).

L'Académie de Sedan fermée, Jurieu se rend à Rotterdam, où il est pasteur puis professeur. De là, il poursuit avec passion sa polémique contre les théologiens catholiques, avivée, après la révocation de l'édit de Nantes (1685), par sa lutte contre l'absolutisme royal en France. Il veille aussi à l'accueil des réfugiés français et encourage les réformés demeurés dans le royaume à organiser leurs assemblées et à rester attachés à leurs convictions, fût-ce au prix de la révolte. Cela le conduit à s'opposer de plus en plus fort à Pierre Bayle (1647-1700), qui se montre soucieux de tolérance et de paix, et, pour des raisons de doctrine et de discipline, à d'autres théologiens et pasteurs du Refuge : J. Basnage, Basnage de Beauval, Élie Saurin, Noël Aubert.

L'œuvre écrite de Jurieu est considérable. Il publie, en 1685, ses Réflexions sur la cruelle persécution que souffre l'Église réformée en France, puis L'Accomplissement des prophéties sur la délivrance prochaine de l'Église (Rotterdam, 1686), suivi, en 1687, par l'Apologie pour l'accomplissement... Dans ce second ouvrage, très controversé, il applique les prophéties de l'Apocalypse à la situation contemporaine plus clairement qu'il ne l'avait fait dans les Préjugés légitimes contre le papisme, rédigés contre P. Nicole (1625-1695). Il fait connaître ses convictions et ses encouragements par la diffusion des Lettres pastorales adressées aux fidèles de France. Simultanément, il cherche[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté protestante de théologie de Strasbourg

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    Un siècle plus tard, Bossuet apporte son appui à l'esclavage pratiqué par la France lors de ses disputes avec Jurieu. La discussion engagée par l'évêque de Meaux avec le pasteur protestant était subtile. Jurieu soutenait que l'esclave était libre faute d'un accord librement consenti entre lui et...