LÉVY PIERRE (1907-2002)
Industriel, collectionneur et mécène français. Originaire d'Alsace, Pierre Lévy est né le 11 avril 1907 à Guebwiller, dans le Haut-Rhin ; il est décédé le 25 février 2002 à Bréviandes, près de Troyes. D'une famille nombreuse, le jeune Lévy entre très tôt dans la vie active, en Allemagne tout d'abord, puis en Suisse. Affecté à Troyes en 1927 pour y effectuer son service militaire, il fait la connaissance du propriétaire d'une usine de fabrication de jersey dans laquelle il est embauché et dont il devient quelques années plus tard le directeur. Ayant épousé Denise Lièvre, la fille de son patron, il scelle de la sorte son implantation troyenne et son intégration au monde de l'industrie textile qu'il va bientôt révolutionner.
Soucieux de permettre au plus grand nombre de disposer à des prix abordables de ce qui était ordinairement réservé à une clientèle de luxe, Pierre Lévy invente le système du prêt-à-porter d'articles de mode. Au tout début des années 1930, il rachète l'usine Devanlay-Recoing, qui emploie alors 80 personnes, pour porter très rapidement son effectif à 1 500. En 1941, les persécutions contre les Juifs l'obligent à quitter précipitamment Troyes pour la zone libre, évitant de justesse une rafle de la Gestapo. À la Libération, il reprend l'affaire en main et acquiert toutes sortes de participations dans les réseaux de distribution internationale. Au plus haut de son succès, dans les années 1960, son groupe emploie quelque 8 000 ouvriers. Passionné par son métier, Pierre Lévy attendra d'avoir soixante-huit ans pour passer la main à son gendre.
Dans la seconde moitié des années 1930, alors qu'il dispose de certaines facilités financières, l'amateur d'art qu'il est – et qui possède un certain talent de dessinateur – peut satisfaire enfin sa passion et songer avec sa femme à se constituer une collection. La rencontre que le couple fait en 1937 avec le verrier Maurice Marinot va en déterminer notamment l'orientation. « C'est avec lui que tout a commencé, aimait-il rappeler, c'est par lui que nous avons appris, non seulement à regarder des œuvres d'art, mais à vivre avec elles. » L'intérêt du couple se tourne d'emblée vers un art expressément figuratif : « Les peintures où la figure humaine est découpée, défigurée ou recomposée n'ont jamais eu mon consentement », disait Pierre Lévy, comme pour justifier son refus du cubisme et de l'abstraction au bénéfice d'œuvres pour l'essentiel réalistes, fauves, voire expressionnistes.
S'il a fait l'impasse totale sur les impressionnistes, trop facilement édulcorés à ses yeux, Pierre Lévy s'est surtout montré curieux d'une peinture fortement structurée, richement colorée, mêlant volontiers les genres du portrait, du paysage et de la nature morte. Hyde Park de Derain, l'esquisse de la Conquête de l'air par Roger de la Fresnaye, Football de Robert Delaunay, le portrait de Jeanne Hébuterne de Modigliani, Le Fou de Picasso comptent parmi les chefs-d'œuvre d'une collection réunie en quarante ans de recherche et de patience. À l'écart des effets de mode, Pierre Lévy s'est notamment appliqué à constituer certains fonds très précieux : celui de Derain – dont il devint l'ami – rassemble toutes les périodes et toutes les techniques abordées par l'artiste ; celui de Roger de la Fresnaye est le plus important qui soit dans une même collection ; enfin, celui des 143 verreries de Maurice Marinot sanctionne l'ouverture d'esprit du collectionneur. C'est dire si la donation qu'il a faite à sa ville d'élection – et, dans son esprit, à ses ouvriers – permet à celle-ci de s'enorgueillir de posséder une collection unique en son genre, qui comporte en outre un ensemble très intéressant de sculptures africaines.[...]
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Écrit par
- Philippe PIGUET : historien, enseignant, critique d'art
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