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PIERRE LOMBARD (1100 env.-1160)

Le genre littéraire des « Commentaires des Sentences »

On trouve plusieurs genres de commentaires : gloses interlinéaires, gloses marginales, paraphrases du texte, introduction de quaestiones et disputationes. Le genre est fixé aux environs de 1230 : ainsi avec les commentaires de Hugues de Saint-Cher, de Richard Fishacre, de Robert Kilwardy. Déjà chez Bonaventure et Thomas d'Aquin, la quaestio l'emporte sur le commentaire littéral ; la divisio textus perd de son importance ; les dubia circa litteram finissent par être reportés à la fin, puis par disparaître. À partir de 1310, surtout après 1350, une seule question porte sur plusieurs distinctions. Le commentaire est réduit à quelques questions, qui se gonflent par l'addition d'articles, de divisions, de subdivisions, de corollaires : ainsi chez Hervé de Nédellec, Durand de Saint-Pourçain, Pierre Auriol, Jean Baconthorp. Le commentaire demeure fragmentaire et incomplet. Les statuts parisiens de 1366-1389 interdisent aux bacheliers de traiter de questions autres que de théologie.

Du point de vue rédactionnel, il existe deux sortes de commentaires : d'une part les « réportations », dues à des notes d'auditeurs prises au vol ou sous la dictée ; elles supposent toujours un enseignement oral ; elles sont sujettes à caution si elles n'ont pas le visa de l'intéressé, qui peut prétendre qu'on a déformé sa pensée ; d'autre part, les rédactions personnelles, qui peuvent être des rédactions normales ou retardées ou retouchées ; souvent le texte en est retravaillé, mis au point, enrichi de documents nouveaux, du fruit de discussions et du progrès de la pensée. Authentique, il ne représente plus cependant l'enseignement du « sententiaire ». Normalement le commentaire doit être publié aussitôt que la lecture en est achevée. À partir de 1366, sa parution est soumise à la censure et à l'imprimatur. Parfois un même auteur commente plusieurs fois les Sentences soit en un même lieu, soit en des lieux différents.

Le nombre des commentaires est difficile à déterminer (F. Stegmüller, Repertorium commentariorum in Sententias Petri Lombardi, 2 vol., Wurtzbourg, 1947, complété par V. Doucet, « Commentaires sur les Sentences. Supplément au répertoire de M. F. Stegmüller », in Archivum franciscanum historicum, XLVII, 1954 ; et « Quelques Commentaires sur les Sentences de Pierre Lombard », in Miscellanea Lombardiana, 1957). Beaucoup sont inédits. On en trouve partout : en Bavière, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne ; dans les ordres religieux : ainsi chez les Dominicains (250, d'après Quétif-Échard, Scriptores ordinis praedicatorum, II, 1721). Ceux-ci, les premiers, ont substitué la Somme de saint Thomas aux Sentences dans l'enseignement théologique. L'évolution est plus lente dans les centres universitaires.

À la fin du xvie siècle, on commente encore presque partout les Sentences, même dans des milieux protestants : ainsi Lamberto Daneo. On a de Luther des notes sur les Sentences. Au xviie siècle, paraissent encore quelques commentaires. Un des derniers est celui du jésuite Ripalda, publié à Cologne en 1635. Bellarmin inaugure, en 1570, à Louvain le commentaire de la Somme de saint Thomas. En 1595, Philippe II fonde la chaire de saint Thomas : le premier titulaire en est Van Malderen.

Les commentaires des Sentences de Pierre Lombard permettent de connaître le point de départ de la pensée d'un auteur, ses vues sur l'ensemble des problèmes théologiques, son tempérament intellectuel, les influences qui se sont exercées sur lui. Ils sont utiles pour l'étude du mouvement théologique sur une question donnée. Ils ont marqué l'histoire de la théologie, en maintenant le contact avec les principaux textes patristiques, notamment avec ceux d'Augustin, en freinant l'invasion d'Aristote[...]

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Écrit par

  • : éditeur en philosophie, histoire des religions, sciences humaines; ancien élève titulaire de l'École pratique des hautes études
  • : maître de recherche au C.N.R.S.

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