NICOLE PIERRE (1625-1695)
L'un des principaux écrivains de Port-Royal, théologien, controversiste, moraliste. Né à Chartres, issu d'une famille d'humanistes et de poètes, Pierre Nicole est très tôt attiré dans le milieu de Port-Royal par une de ses tantes religieuse. Maître aux Petites Écoles, il poursuit ses propres études et devient en 1649 bachelier en théologie. Mais la même année, la Sorbonne condamne les Cinq Propositions : il renonce au doctorat et à la prêtrise. Vivement intéressé par les polémiques dans lesquelles Arnauld est engagé pour la défense de Jansénius et de saint Augustin, il entame avec le docteur une collaboration qui deviendra particulièrement étroite à partir de 1656. Pascal y est parfois associé.
Nicole apporte aux Provinciales (1656-1657) une contribution importante, tantôt fournissant une partie de la matière, tantôt introduisant des corrections. Puis il en prépare une traduction latine avec des compléments, publiée à Cologne en 1658 sous le pseudonyme de Guillaume Wendrock. Il participe directement à la polémique, notamment en donnant en 1657 huit dissertations (disquisitiones) signées Paul Irénée : le nom exprime son désir de paix, sa volonté de conciliation. De tempérament modéré, épris de raison et de raisonnement, il favorise l'emploi du langage thomiste dans la formulation des dogmes augustiniens et doit sans doute être considéré comme l'inventeur de la fameuse distinction du fait et du droit, qui permettait à Port-Royal d'affirmer sa soumission sans condamner Jansénius. Dans le même esprit, il participe aux négociations concernant la signature du Formulaire.
Après l'échec de 1663, il compose, sur le modèle des Provinciales, dix Lettres sur l'hérésie imaginaire, en abrégé Imaginaires (1664-1665), suivies de huit Visionnaires (1665-1666) : deux titres qui expriment bien l'horreur de l'irrationnel. De la même époque datent le Traité de la foi humaine et l'Apologie pour les religieuses de Port-Royal. La première Visionnaire, qui traitait d'empoisonneurs publics romanciers et dramaturges, déclenche une riposte cinglante de Racine, à laquelle Nicole a la sagesse de ne pas répliquer. Entre-temps, il a montré l'étendue et l'originalité de sa culture profane en composant une dissertation De la vraie et de la fausse beauté, placée en tête du Choix d'épigrammes (Epigrammatum delectus, 1659) de Lancelot, et en collaborant à la Logique de Port-Royal (1662).
La proclamation de la « paix de l'Église » (1669) lui permet de s'engager dans de nouvelles voies. Celle d'abord de la controverse contre les protestants, à laquelle il a commencé à s'appliquer dès 1659. En face de lui : le pasteur Claude. Nicole avait publié en 1664 un petit volume intitulé La Perpétuité de la foi de l'Église touchant l'eucharistie, il le reprend et le développe en trois gros in-quartos (1669, 1672, 1674). Ce monument, complété par les Préjugés légitimes contre les calvinistes (1671) et, plus tard, par Les Prétendus Réformés convaincus de schisme (1684) et De l'unité de l'Église (1687) — ce dernier ouvrage dirigé contre Jurieu —, prépare l'œuvre de controverse de Bossuet.
Comme moraliste, Nicole atteint le grand public : il se révèle hanté par l'auteur des Pensées (publiées en partie par ses soins en 1670) comme il l'a été par celui des Provinciales. Le Traité de l'éducation d'un prince (1670) devient en 1671 le second volume d'une série d'Essais de morale qui se complète par deux autres (1675, 1678). Chaque volume renferme plusieurs petits traités, où le pessimisme augustinien se tempère de fine psychologie, de sage bon sens, en un langage visant surtout la précision et la justesse. Le succès de la série entraînera, en 1687-1688, une Continuation des Essais de morale, en quatre volumes, formée[...]
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Écrit par
- Jean MESNARD : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur de littérature française à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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