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NKURUNZIZA PIERRE (1964-2020)

Pierre Nkurunziza, homme politique, président de la République du Burundi de 2005 à 2020, est né à Ngozi, dans le nord du pays, le 18 décembre 1964. Comme ses prédécesseurs depuis l’indépendance, son régime a pratiqué la personnalisation du pouvoir, l’autoritarisme, l’usage de la violence et la corruption, bien qu’à la différence des précédents il fût mis en place par le premier rebelle parvenu au pouvoir, de quoi susciter alors des espérances au sein de la population.

En effet, dans le contexte du clivage hutu-tutsi qui fut à l’origine de crises successives (1972, 1993) puis de la guerre civile (1993-2004), de nature génocidaire, la reconnaissance politique de Nkurunziza intervient après les accords de Pretoria (2003), qui incluent la rébellion dans le partage du pouvoir. La victoire électorale de son parti, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD) et son arrivée au pouvoir en 2005 permettent d’envisager un rééquilibrage politico-ethnique dans la région. Cette sortie de conflit s’impose après plus de dix ans de guerre civile, alors que l’ascension politique de Nkurunziza résonne d’une histoire mythique, celle des antirois venus du Nord ou celle des guerriers sortis des maquis de la « renaissance africaine », voire d’une lecture rédemptrice. Pierre Nkurunziza, originaire du nord du pays, qui a suivi des études à Gitega, une ville centrale dont il fera en 2018 la nouvelle capitale du Burundi, est un bornagain, marié à Denise Bucumi, elle-même pasteur.

Ce changement politique, qui correspond aussi à un renouvellement de génération, se traduit dans une ouverture, un programme de reconstruction que la communauté internationale et les partenaires régionaux soutiennent. Le premier mandat de Pierre Nkurunziza (2005-2010) donne des gages de stabilité sinon de bonne gouvernance : poursuite des négociations avec les Forces nationales de libération (FNL), dernière des rébellions hutu ; intégration du Burundi dans la Communauté est-africaine (2009) ; participation aux missions de l’Union africaine en Somalie (Amisom)… Par ailleurs, le nouveau président joue avec les mécanismes de la Constitution pour s’assurer d’un partenariat avec l’ancien parti unique, l’Union pour le progrès national (Uprona).

Son histoire personnelle – il est né de père hutu et de mère tutsi –, sa formation d’universitaire, son image de rebelle proche de ses hommes et arbitre des conflits, plus stratège que despote, sa présence sur le terrain lors des travaux communautaires et sa passion pour le football rassurent, quitte à faire oublier un passé tragique.

La mort de plusieurs de ses frères et sœurs durant la guerre civile, après l’assassinat de son père en 1972, lors du « génocide sélectif » contre les élites hutu, le pousse à rejoindre en 1995 la rébellion naissante du CNDD avec ceux qui deviendront ses compagnons d’armes, et plus tard de pouvoir. Il partage avec ce groupe, les vétérans, une suspicion pour les ralliés, les membres de la société civile, les partis alliés ou opposants qu’il affaiblira d’une façon systématique puis qu’il réprimera. Peu à peu, il reproduit le modèle politique de ceux qu’il a combattus, ses prédécesseurs tutsi ; le contrôle et le renforcement de l’armée se font sous la tutelle des ex-combattants des FDD ; l’édification d’un parti de masse et de son organisation de jeunesse, enracinés sur les collines à des fins sécuritaires, est lancée, tant au profit de son pouvoir qu’en réponse à une demande de la paysannerie hutu. Il renoue alors avec une culture politique centrée sur la figure d’un chef quasi monarchique, qui sait user des techniques de communication les plus modernes à la tête d’un parti hégémonique.

Une telle orientation bute sur le multipartisme prôné par son principal opposant, Agathon Rwasa,[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite d'histoire, université de Pau et des pays de l'Adour

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  • BURUNDI

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    • 6 médias
    ..., s'assure 75 % des postes d'administrateurs locaux et impose son candidat à l'élection présidentielle par l'Assemblée nationale et le Sénat réunis, Pierre Nkurunziza. Alors que les partis établis, l'Uprona et le Frodebu, se sont crispés sur leur position ethnique, ce qui les a desservis, le CNDD-FDD...