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RUBENS PIERRE PAUL (1577-1640)

Un diplomate et un collectionneur

Personnage très en vue auquel la commande de Marie de Médicis apporte une éclatante consécration (Rubens se rendra trois fois à Paris entre 1622 et 1625), anobli par le roi d'Espagne en 1624 et devenant gentilhomme de la cour de l'infante Isabelle en 1627, le peintre se voit même confier à partir de 1623 plusieurs missions diplomatiques pour le compte de la régente des Pays-Bas du Sud dont il devient l'un des plus influents conseillers (mission secrète à Dunkerque en 1625, voyage à la frontière allemande la même année pour rencontrer le duc de Neuburg) ; il poursuit avec le duc de Buckingham et son homme de confiance, le peintre Balthazar Gerbier, de longues négociations mi-politiques, mi-artistiques (en septembre 1627, conclusion de la vente de tableaux de Rubens et d'antiques de la propre collection de l'artiste à l'homme d'État anglais). Peut-être est-ce même cette position trop ouvertement « espagnole » auprès d'Isabelle qui, le rendant suspect aux yeux de Richelieu, lui fera peu à peu abandonner les travaux de la galerie Henri IV (Rubens se rend pourtant encore à Paris en 1627, où il rencontre de nouveau Gerbier). C'est toujours dans le même contexte politico-artistique, avec la présence significative de Gerbier et de Sandrart, que se situe le voyage de Rubens en Hollande dans l'été 1627 : il y visite notamment Utrecht où il se rend auprès de Gérard van Honthorst, Abraham Bloemaert et Cornelis van Pelenburgh.

L'archiduc Ferdinand, P.P. Rubens - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

L'archiduc Ferdinand, P.P. Rubens

Les activités diplomatiques de Rubens se poursuivent en 1628 avec une importante mission auprès de Philippe IV d'Espagne qui le reçoit avec honneur, lui commande de nombreux portraits et lui fait copier ses Titien. Même accueil royal et même réussite dans le voyage en Angleterre en 1629-1630 (il s'agissait toujours de rapprocher les points de vue anglais et espagnol face aux intrigues françaises et d'obtenir une suspension des hostilités entre les deux États). L'année 1630 marque une certaine pause dans l'activité diplomatique de Rubens ; elle est celle du remariage de l'artiste en décembre avec la très jeune Hélène Fourment, sa première épouse, Isabelle Brant, étant décédée en 1626. Mais en 1631-1632, Rubens prendra une part active aux tentatives (infructueuses) de négociation entre les Pays-Bas du Nord et ceux du Sud, rencontrant deux fois le Stadhouder Frédéric-Henri, puis il est écarté à la veille de se rendre officiellement à La Haye, en décembre 1632, par suite de la jalousie des généraux et des représentants de l'Espagne, entre autres le duc d'Aerschot, qui paraissent avoir pris ombrage de la trop grande confiance que lui témoignait l'infante Isabelle (en 1635 encore, il est question de l'envoyer en Hollande, et l'évêque de Gand, Triest, rencontre Rubens à Anvers à ce sujet, mais le projet n'aura pas de suites). En 1631 déjà, accueillant la fugitive Marie de Médicis, définitivement brouillée avec Louis XIII et Richelieu, Rubens avait vainement conseillé, dans des rapports diplomatiques adressés au roi d'Espagne, de soutenir par la force la cause de la reine expatriée, ce qui faisait, certes, plus honneur à son sens de la fidélité qu'à la qualité de son jugement politique. Après 1633, Rubens revient entièrement à des activités artistiques qu'il n'avait d'ailleurs nullement négligées au cours de ses années « diplomatiques » grâce à la parfaite organisation de son atelier et à l'extrême et caractéristique fécondité de son talent. En 1635, il acquiert la seigneurie et le château du Steen près d'Elewijt (à mi-chemin entre Malines et Bruxelles), où il réside souvent et dont il tire le sujet de nombreux paysages. Mais, comme auparavant, il se laisse tenter par de grandes entreprises décoratives telles que la salle du Banquet à Whitehall (peintures finies en 1634, envoyées en 1635), les Arcs de l'entrée du cardinal-infant Ferdinand (le successeur d'Isabelle, morte en 1633) à Anvers en 1635, gigantesque[...]

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Écrit par

  • : conservateur des Musées nationaux, service d'études et de documentation, département des Peintures, musée du Louvre

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<it>Henri IV reçoit le portrait de la reine et se laisse désarmer par l'amour</it>, P. P. Rubens - crédits :  Bridgeman Images

Henri IV reçoit le portrait de la reine et se laisse désarmer par l'amour, P. P. Rubens

L'archiduc Ferdinand, P.P. Rubens - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

L'archiduc Ferdinand, P.P. Rubens

Adoration des Mages, P. P. Rubens - crédits : Musée des Beaux-Arts, Lyon

Adoration des Mages, P. P. Rubens

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