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RUBENS PIERRE PAUL (1577-1640)

L'évolution stylistique

Les débuts anversois (1597-1600)

On conserve très peu d'œuvres de la période antérieure à 1600. Jusqu'à ces derniers temps, on n'en connaissait même que deux exemples peu significatifs, des portraits d'homme dont l'un est daté de 1597 (coll. Linsky, New York), dans une manière minutieuse et sans particulière originalité. L'acquisition par la Rubenshuis d'Anvers d'un Adam et Ève au coloris vert froid, aux gestes lourds, d'une composition étroitement dérivée d'une gravure de Marcantonio Raimondi, montre mieux la forte dépendance du jeune Rubens envers son maître Venius. Même style « romaniste » classicisant appliqué, aux effets sculpturaux dans Le Jugement de Pâris découvert en 1966 à Londres et acquis la même année par la National Gallery. Comme Rembrandt, Rubens commence chez un maître traditionaliste, voire médiocre, et ses œuvres de première jeunesse, d'une savoureuse maladresse, réservent en fait l'avenir. Toutefois, on notera déjà chez lui un goût d'origine maniériste pour les compositions en frise et les effets de reliefs, ainsi que la claire insistance du dessin, créateur du mouvement des formes ; ici, Rubens doit bien plus à l'italianisant Venius et au milieu anversois des habiles peintres d'histoire successeurs de Floris tels que les Francken, Frans I Pourbus, Backer, Martin de Vos (et leur facture lisse et transparente) qu'à l'élégant maniériste attardé qu'est Van Noort, proche de Van Balen et de ses tableaux à jolies et menues figurines insérées dans d'avenants paysages. En un sens, Rubens commence comme un « réactionnaire » et n'en recèle par là que plus d'originalité et de puissance latentes.

La révélation de l'Italie (1600-1608)

Ultime prolongement de la première période maniérisante, les œuvres peintes en Italie (à partir de 1600) manifestent d'abord la même maturation un peu lente et embarrassée ; les effets choisis le sont toujours avec insistance, ainsi dans le recours au langage caravagesque du clair-obscur. L'enthousiasme créateur du jeune génie, débordant de vie, de dons et d'ambitions, perce à travers la multiplicité des références invoquées et l'étonnant éclectisme d'une culture artistique aussi nouvelle qu'étendue et qui va de Michel-Ange à Cigoli, de Titien à Caravage, de Pordenone à Palma le Jeune, de Raphaël aux Carrache, sans oublier la révélation du monde antique (Hercule et Omphale, Louvre). Une importante découverte fut celle de la Fuite d'Énée (env. 1601-1602), de l'ancienne collection Nabach, dépôt du Louvre à Fontainebleau et longtemps connu comme un Van Dyck. Formats vite gigantesques (l'Olympe retrouvé du château de Prague, et peint vers 1602, la trilogie de 1604-1605, exécutée pour les jésuites de Mantoue et partiellement conservée à Mantoue, à Anvers et à Nancy), rapide assimilation de la langue caravagesque et de la forte conception réalisto-académique des Carrache (tableaux de l'hôpital de Grasse), inoubliables souvenirs des grandes trouvailles vénitiennes (Le Duc de Lerme à cheval, dérivé des portraits équestres de Titien, que l'on peut voir au Prado), fécondes expériences luministes (entre Bassano, Caravage, Tintoret), tous les caractères de la grande manière de Rubens apparaissent déjà dans des œuvres à la fois opulentes, lourdes de vie, solides de structure, où tous les emprunts éclectiques sont refondus et ployés au service d'une peinture sculpturale et dense d'un esprit fort nouveau, œuvres aussi accomplies que convaincantes telles que la Madone vénérée par des saints du Musée de Grenoble, le Saint Georges du Prado, le décor de l'église Santa Maria in Vallicella à Rome. La même révélation d'une force jeune et intacte et d'une plasticité immédiatement présente saisit[...]

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Écrit par

  • : conservateur des Musées nationaux, service d'études et de documentation, département des Peintures, musée du Louvre

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<it>Henri IV reçoit le portrait de la reine et se laisse désarmer par l'amour</it>, P. P. Rubens - crédits :  Bridgeman Images

Henri IV reçoit le portrait de la reine et se laisse désarmer par l'amour, P. P. Rubens

L'archiduc Ferdinand, P.P. Rubens - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

L'archiduc Ferdinand, P.P. Rubens

Adoration des Mages, P. P. Rubens - crédits : Musée des Beaux-Arts, Lyon

Adoration des Mages, P. P. Rubens

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