PFLIMLIN PIERRE (1907-2000)
Homme d'engagement et de conviction, Pierre Pflimlin le fut dans la triple dimension, alsacienne, française et européenne.
Né le 5 février 1907, à Roubaix – son père étant à cette époque directeur dans une entreprise textile –, Pierre Pflimlin devait revenir, jeune enfant, en Alsace où il fit ses études secondaires au lycée de Mulhouse pour devenir ensuite docteur en droit à l'université de Strasbourg. Avocat en 1933, puis magistrat en 1941, il entre en politique en 1945 comme député du Bas-Rhin à l'Assemblée constituante. Démocrate-chrétien, il sera régulièrement réélu jusqu'en 1962 sous l'étiquette M.R.P., parti qu'il préside de 1956 à 1959. Élu conseiller municipal de Strasbourg dès 1945, il en fut le maire de 1959 à 1983, menant avec persévérance la bataille en faveur de « Strasbourg capitale européenne ».
Pierre Pflimlin commença sa carrière ministérielle en 1946 comme sous-secrétaire d'État à la Population. Ministre de l'Agriculture (1947-1949 ; 1950-1951), ministre du Commerce (1951-1952), ministre de la France d'outre-mer, il fut également ministre des Finances et des Affaires économiques (1955-1956 ; 1957-1958) avant de devenir président du Conseil entre les 13 et 28 mai 1958 dans des conditions particulièrement dramatiques. C'est lui qui passa le relais au dernier chef de gouvernement de la IVe république, le général de Gaulle. Sur ce point, et notamment sur l'entretien nocturne et décisif avec le général, à Saint-Cloud, le 27 mai, Pierre Pflimlin avait gardé longtemps la plus grande discrétion ; ses Mémoires d'un Européen, publiés en 1991, nous révèlent quelle fut la qualité humaine et politique de ce pathétique dialogue.
Quant à l'Europe et la réconciliation franco-allemande, Pierre Pflimlin en fut le promoteur infatigable, au côté de Robert Schuman qu'il s'efforça d'aider dans plusieurs circonstances difficiles. Ainsi, durant la crise de la C.E.D. (Communauté européenne de défense), avant le vote négatif du Parlement français, lors de la dernière suspension de séance, le 30 août 1954, il avait tenté en vain un ultime compromis auprès de Pierre Mendès France, chef du gouvernement.
Des compromis, Pierre Pflimlin en imagina des dizaines, et il devait en réaliser souvent, mais, à ses yeux, compromis n'était pas compromission. Ce qui le conduisit à deux démissions, l'une comme ministre de l'Agriculture (il avait pris un engagement avec les agriculteurs et entendait tenir parole), l'autre comme ministre de la Coopération dans le premier gouvernement Pompidou. On se souvient de la célèbre conférence de presse, en mai 1962, durant laquelle le chef de l'État brocarda le « volapük », autrement dit les institutions européennes. Les raisons du départ de Pierre Pflimlin et des autres ministres M.R.P. étaient liées à la quasi-certitude qu'ils ne pourraient pas infléchir les positions fondamentales du général en matière européenne.
Dans ses fonctions européennes, à l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe, qu'il présida de 1963 à 1966, ainsi qu'au Parlement européen, qu'il présida de 1984 à 1987, il devait se montrer à la fois homme de vision et de caractère. Ainsi, en décembre 1985, il « refusa » le budget communautaire parce qu'il ne correspondait pas aux besoins ; ceux-ci avaient pourtant été dûment identifiés au niveau politique par le Conseil européen, et le budget reposait de surcroît sur des propositions très précises de la Commission européenne présidée par Jacques Delors. La Cour de justice, appelée à trancher, donna tort au Parlement : c'était l'aspect formel et juridique, mais, quant au fond, le Parlement européen avait eu raison, puisque la procédure budgétaire ayant été reprise, les crédits adoptés le furent finalement à la[...]
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Écrit par
- Paul COLLOWALD : ancien directeur de l'information à la Commission européenne puis au Parlement européen
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