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POTIER PIERRE (1934-2006)

Pierre Potier, éminent chimiste français né à Bois-Colombes le 22 août 1934, est mort à Paris le 3 février 2006.

À la suite du divorce de ses parents, enfant unique, il ne connut pas son père. Son beau-père, qu'il qualifiait de père nourricier, polyglotte et horloger, lui donna le goût des langues et celui des montres, cartels et horloges, dont il devait devenir un collectionneur averti. Ses études universitaires aboutirent au diplôme de pharmacien et à un doctorat sous la direction de Jean Le Men (1960). Il intégra, en 1962, l'Institut de chimie des substances naturelles de Gif-sur-Yvette, récemment créé, alors codirigé par Edgar Lederer (1908-1988) et Maurice-Marie Janot (1903-1978). Il y fit toute sa carrière, devenant à son tour codirecteur en 1974 et directeur en 1989, jusqu'à sa retraite en 2000.

Un premier succès fut la modification de la réaction, dite de Polonovski, traitement d'alcaloïdes par l'anhydride acétique, à laquelle il donna un tour biomimétique (1965). Sa jeune épouse Marie-France étant morte d'un cancer en 1968, Pierre Potier résolut de lutter contre cette maladie par ses recherches. Le professeur Janot l'envoya alors pour quelques mois en Nouvelle-Calédonie, où il chercha des plantes ayant une action thérapeutique potentielle, à partir de la pharmacopée kanake en particulier, et créa une cellule du C.N.R.S. à Nouméa, afin d'entretenir en permanence cette activité exploratoire.

Il exploita les alcaloïdes de la petite pervenche de Madagascar, Catharanthus roseus (L.) G. Don, qui comportent des substances anticancéreuses, dont la vinblastine. Potier modifia ces alcaloïdes, découvrit un dérivé non naturel de la vinblastine, produit par une réaction de Polonovski modifiée, très actif, nommé vinorelbine, puis breveté et commercialisé sous le nom de Navelbine par Pierre Fabre à partir de 1982. Parallèlement, il initia la mise au point d'un test à la tubuline, afin de jauger le potentiel de molécules soupçonnées d'activité antitumorale (1978).

Il s'était alors déjà tourné vers le taxol, anticancéreux potentiel, issu d'un if du Nord-Ouest des États-Unis. L'abattage d'arbres de l'espèce européenne Taxus baccata L., l'if commun, à Gif-sur-Yvette, lorsque la municipalité élargit une route (1970), lui rappela un souvenir d'enfance : l'empoisonnement de chevaux des troupes allemandes, qui avaient mangé de l'if. Potier résolut dès lors d'étudier en chimiste toutes les parties de l'if commun, et de les soumettre au test de la tubuline. Ce faisant, Potier et son équipe parvenaient à une hémisynthèse du taxol à partir des aiguilles de l'if commun (1982). Après demande de brevets (1988) et accord avec Rhône-Poulenc-Rorer, la molécule de synthèse, baptisée docétaxel, était fabriquée industriellement à partir de 1990 et mise sur le marché international en 1995 sous le nom de Taxotère.

L'activité scientifique de Pierre Potier fut importante, et se chiffra par près de 500 publications et 68 demandes de brevets.

Grand gestionnaire et grand travailleur, homme de communication dans la transparence, de gouaille et de franc-parler, diplomate de qualité à l'occasion, Pierre Potier connaissait bien ses dossiers. Dès les années 1960, il avait œuvré à la constitution d'une unité mixte C.N.R.S. - Rhône-Poulenc à Montpellier. Il dirigea à partir de 1974 l'Institut de chimie des substances naturelles en tandem avec sir Derek Barton (né en 1918), Prix Nobel de chimie en 1969, et cette coexistence, a priori délicate, fut réussie. Il fut directeur de la recherche et de la technologie au ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (1994-1996), où son action, entravée par les corporatismes et les rigidités, fut néanmoins significative. Ainsi, il contribua à la naissance du Génopole et[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)

Classification

Autres références

  • TAXOL ET TAXOTÈRE

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    • 1 128 mots
    • 1 média
    ...exploitation intensive de l'if inquiéta alors les mouvements écologiques qui redoutaient la disparition de cette espèce. La solution vint de l'équipe de Pierre Potier, directeur de l'Institut de chimie des substances naturelles du C.N.R.S. à Gif-sur-Yvette, dont les travaux sur la recherche de composés...