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POUJADE PIERRE (1920-2003)

Pierre Poujade traverse en météore le ciel politique français des années 1950 sans laisser d'autre trace dans l'histoire qu'un terme, le «  poujadisme », négativement connoté et servant à désigner un mouvement de protestation à courte vue, corporatiste, populiste et réactionnaire.

Le rôle inattendu joué par Pierre Poujade s'explique par la rencontre fortuite d'un homme – volontiers démagogue, braillard, capable d'électriser les foules par des formules marquées au coin d'un apparent bon sens – et d'une situation de crise de la IVe République.

Poujade est assez représentatif du Français moyen de l'entre-deux-guerres. Né à Saint-Céré (Lot) le 1er décembre 1920 dans une famille de la petite bourgeoisie, il est maréchaliste en 1940 et appartient à l'organisation vichyste des Compagnons de France avant de rejoindre Alger en 1942 et de s'engager dans l'aviation. Après la guerre, il ouvre une papeterie à Saint-Céré, réalisant ainsi le rêve social des classes moyennes de l'époque : se mettre à son compte, devenir un petit patron. Mais la situation de pénurie de la guerre et de l'après-guerre, qui avait artificiellement maintenu la prospérité des petits producteurs et des petits commerçants, disparaît avec les premiers effets de la croissance économique. Du même coup, de nombreuses petites entreprises commerciales, artisanales, et bientôt agricoles, se révèlent mal adaptées aux conditions du marché et de la concurrence, et connaissent des difficultés grandissantes. L'amertume qui en résulte se cristallise autour des contrôles fiscaux exercés par les « polyvalents » qui surveillent la comptabilité (souvent sommairement tenue) des petites entreprises, procédant à des redressements fiscaux, voire à des saisies. C'est en s'opposant par la force à ces contrôles fiscaux que Pierre Poujade acquiert sa notoriété, se présentant face aux agents du fisc comme une sorte de Robin des Bois, défenseur des « petits ».

En novembre 1953, il fonde l'Union de défense des commerçants et artisans (U.D.C.A.), qui remporte un premier succès en s'assurant la majorité à la Chambre de commerce de Cahors. D'abord soutenue par le Parti communiste, qui appuie ce mouvement de protestation sociale, l'U.D.C.A., qui se veut apolitique, évolue dès 1954 vers une mise en accusation sommaire du régime parlementaire et des élus, retrouvant spontanément les thèmes des courants ligueurs de l'entre-deux-guerres : refus de l'impôt qui pèse sur les « petits » et épargne les riches, dénonciation de l'impuissance et du bavardage parlementaires, appel à balayer les politiciens, exaltation du nationalisme contre les abandons coloniaux dont la République se rendrait coupable, xénophobie et antisémitisme (nourri par le passage au pouvoir de Pierre Mendès France en 1954-1955). À cette date, le poujadisme, de mouvement corporatiste qu'il était à l'origine, devient l'expression d'un populisme d'extrême droite ; aux côtés des vaincus de la modernisation économique – commerçants, artisans, agriculteurs –, il rassemble des adversaires convaincus du régime, nostalgiques d'une extrême droite autoritaire discréditée par son soutien à Vichy, et des nationalistes activistes qui profitent de la guerre d'Algérie pour retrouver un rôle politique.

Sans doute tous ceux qui applaudissent aux mots d'ordre expéditifs de Pierre Poujade n'adhèrent-ils pas aux idées d'une extrême droite qui instrumentalise le mouvement, et entendent-ils simplement manifester leur désaffection envers le régime de la IVe République. Il reste que cette protestation s'avère lourde de conséquences politiques. Aux élections législatives du 2 janvier 1956, les poujadistes, qui se présentent avec comme mot d'ordre « Sortez les sortants[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités à l'Institut d'études politiques de Paris

Classification

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  • EXTRÊME DROITE

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  • QUATRIÈME RÉPUBLIQUE

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