PRÉVERT PIERRE (1906-1988)
Pierre Prévert a toujours vécu dans l'ombre de son frère Jacques, son aîné de six ans et le scénariste de presque tous ses films. La verve poétique de l'auteur de Paroles influença sa propre inspiration, sur le mode mineur ; c'est dans le même sillage de rêverie aimable, pimentée d'un zeste de surréalisme, qu'il inscrit sa démarche, sans réussir jamais à s'en distinguer.
Pierre Prévert naît à Neuilly-sur-Seine, le 26 mai 1906 ; Il participe au mouvement surréaliste, puis aux provocations du groupe Octobre. Il tient des rôles de composition pittoresque dans les films de ses amis André Cerf, Alberto Cavalcanti, Yves Allégret, Luis Buñuel, Jean Vigo et, plus curieusement, dans Fanny de Marcel Pagnol (où il campe un voyageur irascible dans un tramway) ; il est aussi l'assistant de Jean Renoir, Marc Allégret, René Sti, Richard Pottier.
Dans une improvisation quasi totale, avec pour collaborateurs Marcel Duhamel et Man Ray, Pierre Prévert tourne un premier film en 1928 : Souvenirs de Paris, reportage ironique sur la faune de Montparnasse. L'ouvrage sera repris et complété en 1959, sous le titre Paris la belle. Mais c'est surtout L'affaire est dans le sac, en 1932, qui impose le nom de Pierre Prévert : ce moyen-métrage à base de loufoquerie grinçante, de satire sociale et de nonsense à la française fut conspué par le public, avant de devenir un classique des ciné-clubs. On dirait un brouillon de Drôle de drame. Carette y faisait ses débuts, dans un rôle irrésistible de chapelier. Adieu Léonard (1943) ajoute à cette turlupinade un vague parfum d'écologie et la présence – plutôt incongrue – de Charles Trénet. Quant au dernier film de Pierre Prévert, Voyage surprise (1946), il se veut, comme son titre l'indique, un vagabondage sans queue ni tête sur les routes françaises de la liberté retrouvée. On pense cette fois à ce que fera – en mieux – Jacques Tati.
Des échecs commerciaux réitérés vont détourner Pierre Prévert du cinéma. À partir des années 1950, il entame une nouvelle carrière à la radio et à la télévision. Il met en scène des œuvrettes pleines de charme, sortes de contes de fées pour grandes personnes, qui tranchent sur le tout-venant de la production d'alors : Bonne nuit, capitaine (pour le Club d'essai de la radio française, 1949), Le Tableau des merveilles, d'après Cervantès (pour le théâtre d'Europe n0 1, 1962), et surtout de savoureux téléfilms, où son tempérament burlesque est bien près de s'épanouir : Le Perroquet du fils Hoquet (1963), Le Petit Claus et le grand Claus, d'après Andersen (1964), La Maison du passeur, un brûlot antimilitariste (1965), enfin une excellente parodie des feuilletons policiers à épisodes, Les Compagnons de Baal (en collaboration avec Jacques Champreux, 1968). Ce dernier téléfilm, tourné de son propre aveu « au petit bonheur », nous ramène droit à la mythologie du serial muet (Fantômas, Les Mystères de New York), qui était sans doute le véritable univers où se mouvait Pierre Prévert.
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Écrit par
- Claude BEYLIE : docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Paris-I, historien du cinéma
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