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PUGET PIERRE (1620-1694)

<it>Milon de Crotone</it>, P. Puget - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Milon de Crotone, P. Puget

Dès le début du xviiie siècle, Puget fut célébré comme « le Michel-Ange de la France ». De Falconet à David d'Angers, de Rude à Rodin, de Delacroix à Cézanne, innombrables sont les témoignages d'admiration, parfois critique, pour la puissance pathétique du sculpteur, en qui Théophile Gautier reconnaît « le plus grand statuaire de son époque » et que Charles Baudelaire célèbre comme l'un des « phares » de l'humanité. Installé dans une salle Puget ouverte au Louvre en 1824, son Milon de Crotone contribua à l'imposer au xixe siècle comme l'un des représentants du génie français, le pendant de Poussin pour la sculpture. Dénoncé au début du xxe siècle par l'histoire de l'art nationaliste comme l'un des fourriers de l'italianisme, contraire à l'esprit de mesure français d'un Goujon ou d'un Girardon, Puget parut inversement sans doute trop classique pour bénéficier pleinement d'un nouveau retournement du goût en faveur du baroque. De la première monographie scientifique (1970) à l'exposition pour le tricentenaire de sa mort (1994), l'historiographie a développé le catalogue de ses œuvres sculptées, au-delà des grands morceaux qui ont fait sa gloire ; elle a redécouvert son activité de peintre et de dessinateur, négligée (dix-sept peintures, une centaine de dessins), et d'architecte, mal mesurée ; elle a su aussi démonter la légende romantique, noire et glorieuse, de l'artiste provincial, oublié du pouvoir et se dressant contre l'absolutisme, « âme souffrante d'un siècle malade » (Michelet), légende qui a entretenu efficacement sa mémoire, mais brouillé son image. L'inscription qu'il apposa sur plusieurs de ses œuvres, « P. Puget Massil. Sculp. Arch. et Pic. » (Pierre Puget, Marseillais, sculpteur, architecte et peintre), atteste ses ambitions d'artiste universel, qui sut revendiquer et faire reconnaître sa liberté de création, comme Michel-Ange et Bernin, auxquels on peut et on doit sans doute le comparer pour lui rendre justice.

De la sculpture à la peinture, une carrière provinciale

Né le 16 octobre 1620, à Marseille, orphelin deux ans plus tard de son père maître maçon, Pierre Puget fut élevé par ses deux frères Jean et Gaspard, tailleurs de pierre et maîtres maçons (le second finit par s'imposer comme architecte de la ville de Marseille). Après un apprentissage de quatre ans, à Marseille, auprès du sculpteur Jean Roman (nov. 1634-nov. 1638), Puget partit, comme tant d'artistes européens de sa génération, pour l'Italie, où il séjourna pendant cinq ans (1639-1643). De Florence, où il put parfaire son éducation artistique sur les chantiers du grand-duc, il gagna Rome, où il suivit vers 1640 Pierre de Cortone, qui achevait le décor du palais Barberini. De retour en Provence au printemps de 1644, Puget accompagna à Rome en 1646 un père feuillant, mandaté par la reine Anne d'Autriche, pour dessiner des antiques. À la mort de son compagnon, il rentra en France et s'installa à Toulon, où il se maria en 1647.

Dans les douze ans qui suivirent, Puget s'affirma peu à peu comme l'un des meilleurs artistes de Provence. Associé à son frère Gaspard, il donna des modèles pour les sculptures des navires de l'arsenal et pour quatre fontaines de la ville (1649-1650) ; il réalisa quelques bas-reliefs sur bois (Adoration des bergers et Adoration des mages, signés, datés, 1653, coll. part.), ou de terre cuite (Lapidation de saint Étienne, signé, vers 1654, musée des Beaux-Arts, Marseille) ; mais il semble avoir eu essentiellement une activité de peintre, comme le suggèrent les marchés qui le qualifient de « maître peintre » de la ville de Toulon ou de la ville de Marseille. Il peignit de petits tableaux de dévotion (Sainte Cécile, 1651 ; La Vierge apprenant à lire à[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Médias

<it>Milon de Crotone</it>, P. Puget - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Milon de Crotone, P. Puget

<it>Alexandre et Diogène</it>, P. Puget - crédits : Giraudon/ Art Resource, New York

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