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PUGET PIERRE (1620-1694)

Le statuaire, de Toulon à Gênes

En 1655, dans un climat d'émulation assez vive, la municipalité de Toulon décida d'ériger un portail et un balcon neuf à l'hôtel de ville, comme plusieurs des villes voisines. Puget soumit un projet le 4 janvier 1656, où il proposait de soutenir le balcon, non par des consoles, comme à Tarascon en 1648 ou à Salon en 1654, ou encore par des colonnes, comme à Aix en 1655, mais par deux atlantes engainés, renouvelant avec bonheur un motif (portail de la « casa degli Omenoni » à Milan, croisées de l'hôtel du Vieux Raisin à Toulouse, atlantes des plafonds de Cortone au palais Pitti) qui fut par la suite largement imité dans l'architecture civile à Aix et ailleurs. Désigné comme « maistre esculpteur » dans le contrat signé le 19 janvier, il acheva l'essentiel en juin 1657.

Cette commande semble avoir révélé à Puget ses capacités dans le domaine de la statuaire monumentale, et le succès de ces atlantes, au corps puissant, marqué par l'effort, contribua sans doute à réorienter sa carrière. De l'automne de 1659 à l'automne de 1660, Puget séjourna en Île-de-France et en Normandie. Pour le château de Vaudreuil du marquis de Girardin, il exécuta un Hercule tuant l'hydre de Lerne (musée des Beaux-Arts, Rouen) et une Cérès (perdue). Il entra en contact avec Nicolas Fouquet, et reçut la mission d'aller choisir des marbres dans les carrières de Carrare pour les bâtiments du roi et ceux du surintendant.

En 1660-1661, à Gênes, d'où il surveillait l'expédition des marbres, Puget sculpta un grand Hercule gaulois (au Louvre depuis 1849) pour une destination qui reste obscure – peut-être pour le tombeau de François Sublet de Noyers, comme on l'a suggéré, plutôt que pour Fouquet, comme on l'a longtemps prétendu –, avant son installation dans les jardins du château de Colbert à Sceaux. De Gênes, il se rendit une troisième fois à Rome en 1662, où il signe et date une Tête (Cleveland Museum of Art), qui s'inspire de bustes antiques de philosophes. Il put revoir les beaux antiques des collections pontificales et les dernières sculptures de l'Algarde et de Bernin, mais aussi la place du Capitole de Michel-Ange enfin achevée, et le début des travaux du parvis de Saint-Pierre de Bernin.

Au printemps de 1663, au lieu de chercher à gagner le chantier versaillais, Puget s'installa avec sa famille pour un long séjour à Gênes, retenu sans doute par le chantier de l'église Sainte-Marie de Carignan. En juin 1663, il donna le modèle du maître-autel. Un très grand dessin autographe, conservé au musée Granet, qui servit peut-être de modèle pour une maquette en bois, montre une magistrale variation sur le baldaquin de Saint-Pierre de Rome, strictement contemporaine de celle qui fut imaginée par Le Muet et Le Duc pour le maître-autel du Val-de-Grâce à Paris : quatre paires de colonnes, disposées sur un plan circulaire, dont l'entablement, bombé comme la façade de l'église Saints-Luc-et-Martine de Pierre de Cortone à Rome, soutient de grandes volutes portant une Assomption en couronnement. En 1664, Puget s'engagea à sculpter deux statues colossales pour les niches de la croisée, un Saint Sébastien et un Alexandre Sauli, dont les grands drapés et les gestes expressifs rivalisent avec le Saint Longin de Bernin pour la croisée de Saint-Pierre. Des dessins et trois esquisses de terre cuite (musée Granet, musée de Cleveland et collection particulière) permettent de suivre l'élaboration de la figure d'Alexandre Sauli, qui fut livré avec son pendant en mai 1666. L'Assomption de la Vierge, en bas relief, taillée avant 1665 pour le duc de Mantoue (Staatliche Museen, Berlin), et celle en ronde bosse, commandée en mai 1666 par Emanuele Brignole, achevée en 1670 et installée en 1671 sur le maître-autel de l'église de[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Médias

<it>Milon de Crotone</it>, P. Puget - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Milon de Crotone, P. Puget

<it>Alexandre et Diogène</it>, P. Puget - crédits : Giraudon/ Art Resource, New York

Alexandre et Diogène, P. Puget

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