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LAPLACE PIERRE SIMON DE (1749-1827)

« Exposition du système du monde »

Au fur et à mesure de la découverte de corrections à apporter à une conception simpliste de l'ordre de l'Univers, nul ne s'était hasardé au xviiie siècle à reprendre le projet d'une explication générale, cher aux auteurs du siècle précédent. Tandis que l'attraction newtonienne s'imposait à l'opinion savante, le problème de la stabilité d'un univers soumis à cette attraction apparaissait difficile, sinon paradoxal. Divers auteurs avaient été amenés à imaginer des actions compensatrices, soit en compliquant la loi des actions entre deux points matériels (Rudjer Josip Bošković), soit en introduisant la résistance d'un fluide, l'éther, baignant tous les corps célestes.

Laplace rend compte de la stabilité de l'Univers sans faire appel à aucune de ces hypothèses, en utilisant les compensations que les mouvements de rotation permettent par l'intervention de forces centrifuges dans la lutte contre les tendances à la concentration que les attractions devraient normalement entraîner.

Mais il ne lui suffit pas de comprendre mathématiquement comment l'attraction est compatible avec la stabilité des distances entre les astres, il veut encore saisir une explication de ce phénomène singulier que constitue le mouvement des planètes et de leurs satellites, dans le même sens, à peu près dans un même plan et dans des orbes presque circulaires.

Le complexe des anneaux de Saturne vu par Voyager-1  - crédits : Courtesy NASA / Jet Propulsion Laboratory

Le complexe des anneaux de Saturne vu par Voyager-1 

C'est alors que Laplace, s'inspirant des observations de William Herschel sur un grand nombre de nébuleuses lointaines, élabore une hypothèse générale appelée à une grande célébrité : tous les corps de l'Univers se seraient formés au sein d'une nébuleuse primitive, extrêmement diffuse et chaude, sous l'effet conjugué du refroidissement et de la condensation. Les figures stables que les lois de la mécanique permettent de prévoir pour les rassemblements de molécules sous ce double effet sont, comme le montre Laplace, des anneaux en rotation autour de leur axe, eux-mêmes susceptibles de participer comme éléments à des anneaux de dimensions relatives considérables. Mais le maintien de ces figures suppose une régularité dans le phénomène conjugué de condensation et de refroidissement qui a dû être extrêmement rare, puisque le système solaire n'en offre à l'époque qu'un seul exemple (les anneaux de Saturne). Presque toujours, affirme Laplace, chaque anneau a dû se rompre en plusieurs masses qui ont continué à circuler tout en étant susceptibles de former de nouveaux amas, d'où la formation de noyaux sphéroïdiques et de systèmes d'astres emboîtés les uns dans les autres, chaque système étant caractérisé par un même sens de rotation pour les noyaux et les satellites qui le composent.

Les comètes, auxquelles il avait été conduit à assigner une densité très faible, apparaissent à Laplace comme des témoins du processus général ayant échappé à la division, précisément à cause de leur ténuité, et étrangers au système solaire.

On ne saurait, ici, s'étendre davantage. L'Exposition du système du monde de Laplace (1re éd. 1796, 5e éd. 1824) appartient d'ailleurs à l'histoire et peu de chose en demeure, sinon l'exemple d'un remarquable effort de synthèse sur l'ensemble des connaissances physiques et d'une recherche méthodique à partir de faits suggestifs. Dans la mesure même où l'ouvrage ne fait volontairement aucun appel à des « causes finales », l'énorme influence qu'il a exercée sur son temps et en dehors du milieu scientifique a souvent conduit à considérer Laplace comme un prophète de l'incroyance religieuse. Il n'a pu cependant apparaître tel qu'à ceux dont les connaissances scientifiques étaient insuffisantes et qui ne pouvaient le lire que superficiellement. Profondément conscient de[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études

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Le complexe des anneaux de Saturne vu par Voyager-1  - crédits : Courtesy NASA / Jet Propulsion Laboratory

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