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TEILHARD DE CHARDIN PIERRE (1881-1955)

Le style et la symbolique

Fait heureux, le phénoménologue, le métaphysicien, le théologien et a fortiori le mystique qu'est Teilhard dispose d'un bel outillage stylistique. Chez lui, des notions comme celles de terre, de feu, d'eau, de centre, d'axe, etc. sont de nature symbolique, c'est-à-dire qu'au-delà de leurs rapports avec la géométrie ou avec les sciences de la nature elles visent un complexe sémantique, en dernier ressort transcendant, affranchi de la pure logique. C'est ainsi que la notion de centre, qu'on rencontre si fréquemment chez Teilhard, subsume essentiellement plus qu'une donnée courante de la géométrie ou de la physique. Sans perdre de vue la substance géométrico-physique du terme, l'auteur assortit la notion de contenus relevant du monde des archétypes. Son englobante vision ne fut pas seulement un problème de pensée, mais aussi un problème linguistique. Grâce aux archétypes ouverts à l'intervention d'expériences religieuses, la foi et la science ont, chez lui, contracté des liens formant un nœud qu'on ne saurait délier ; et ces liaisons se fécondent réciproquement, de par la mise en forme stylistique des pensées. La familiarité avec Jung permet seule de comprendre les échos profonds qu'éveille Teilhard dans les souterrains de toute psyché humaine.

Mais, déjà, combien éclairante est l'étude de la métaphore ! On est frappé par une relative pauvreté des images auditives et par la grande richesse des images visuelles – colorées et surtout lumineuses. Les deux éléments préférés de Teilhard sont l'eau et le feu – l'imagerie du feu étant vue à la fois comme extérieure et intérieure aux choses, transcendante et immanente. On y trouve aussi des images empruntées aux tissus (fibres, franges, nappes, voile) ; puis celles de chair, de mère, de sein, enfin celles de sève et de fleur. Teilhard semble aimer les étoffes, symbole de la façon dont, dans son univers, tous les fils sont entrecroisés et dont tout se tient. À travers les somptueuses draperies des phrases, les images s'enchaînent subtilement. Par exemple, l'élément liquide peut devenir tour à tour mer, boisson, symbole sacramentel, flot qui berce et flot qui porte. Teilhard est amoureux d'une nature qui vaut par elle-même, par ses qualités intrinsèques, et non par concordance avec des états subjectifs, comme chez les romantiques. Comme l'a fort bien dit Josée Van de Ghinste : « Toutes les caractéristiques que nous venons de souligner : gigantisme de l'Univers, solennité religieuse, amour pour la matière vue comme personnalisée, prédominance du concret sur l'abstrait, sens de la cohésion des choses, dynamisme et orientation vers le futur [...] donnent au lyrisme de Teilhard un accent jusqu'ici inconnu. La religion, la science et l'art, qui, normalement, recherchent séparément un Absolu, sont ici synthétisés dans une vision poétique qui fait coïncider ces « Absolus » et en acquiert une richesse et une profondeur insoupçonnées. » Un autre élément caractéristique, c'est cette notion de « diaphanie », de transparence : « bulle transparente », « clarté laiteuse », « chair translucide ». On se trouve devant un monde illuminé et cependant toujours merveilleusement énigmatique. Il est pratiquement impossible aujourd'hui de faire le point sur Teilhard. Le martyre du silence imposé à celui-ci par l'Église permet de comprendre en partie les causes de l'échec du IIe concile du Vatican. Le religieux y fut néanmoins cité et approuvé par Mgr Hurley, archevêque de Durham, Mgr Wright, évêque de Pittsburgh, Mgr Spülbeck, évêque de Meissen, Mgr Helder Camara, archevêque de Recife. Sans nommer Teilhard, le cardinal Meyer, archevêque de Chicago, a déclaré : « C'est le Cosmos tout entier qui doit être glorifié,[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, docteur ès lettres, conseiller pédagogique à la Bibliothèque centrale de l'enseignement public

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