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TROISGROS PIERRE (1928-2020)

Pierre Troisgros, grande figure de la gastronomie française, est né le 3 septembre 1928 à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). Il est le second fils de Jean-Baptiste Troisgros et de Marie Badaut, son épouse, limonadiers bourguignons, qui tenaient le Café des Négociants à Chalon-sur-Saône. L’aîné, Jean, né en 1926, et Pierre grandiront parmi les odeurs de cuisine, alors que la famille s’installe en 1930 à Roanne (Loire) à l’Hôtel des Platanes, en face de la gare, le long de la nationale 7, qui sera rebaptisé Hôtel moderne en 1935. Ils découvrent ensemble, au lendemain de la guerre, les saveurs de la cuisine bourgeoise de leur mère, Marie, qui tient la table d’hôtes de l’hôtel, tandis que leur père bichonne une cave de vins de Bourgogne.

Cette prédestination familiale conduit naturellement Pierre à commencer son apprentissage, d’abord à l’Hôtel du Golf à Étretat, puis à l’Hôtel d’Angleterre à Saint-Jean-de-Luz. On trouve trace de son passage à Paris, d’abord au Pavillon d’Armenonville, puis au Cabaret, chez Valentin, où il rencontre Olympe, sa future épouse. « Ma mère rêvait pour moi d’un autre métier de bouche, dira-t-il plus tard avec humour ; elle voulait que je sois dentiste. » Pierre Troisgros (classe 48) effectue son service militaire au prestigieux 62e régiment d’artillerie, alors basé à Tunis. Son frère et lui, une fois leur CAP en poche, travaillent ensuite au Lucas Carton, à Paris, sous la direction du chef Gaston Richard, où ils nouent une solide amitié avec un « compagnon » au sein de la brigade, Paul Bocuse. Ils se retrouvent tous les trois, peu après, sous l’autorité du chef Paul Mercier, chez Fernand Point à La Pyramide (à Vienne), dont Sacha Guitry disait : « Pour bien manger en France, un Point c’est tout. »La personnalité de Fernand Point, son perfectionnisme, son accueil, et aussi son humour, trouvent chez Pierre Troisgros un terrain fertile. Après ce passage formateur, il fait la saison chez Maxim’s, dirigé par Alex Humbert, tandis que son frère Jean rejoint la maison familiale. En 1954, au retour de Pierre, les deux frères se répartissent le travail. Jean, très bon saucier, veille sur les cuissons, tandis que Pierre, au fourneau, a la haute main sur le garde-manger et la mise en place. Le père, lui, s’occupe de l’accueil, du service de salle et de la cave. Le guide Michelin accorde une première étoile en 1955 à l’établissement qui s’appelle désormais l’Hôtel-restaurant des Frères Troisgros, et où se joue, en cuisine, une partition à quatre mains.

Les Trente Glorieuses, cette « révolution invisible » selon le titre d’un livre de l’économiste Jean Fourastié, accélèrent une évolution de la cuisine. On n'aimait déjà moins, dès la fin des années 1950, ces plats que l'on pensait fossilisés par la répétition exagérée, comme le vol-au-vent, le pâté en croûte ou la timbale. Le soupçon était général. On regardait les grandes recettes avec les yeux d'un limier épiant le faussaire. L'excès également commençait à répugner. La mauvaise conscience du mangeur, autant que la diététique du moment, lui faisait désirer une nourriture plus naturelle, moins abondante. Cela commence au Grand Véfour, à Paris, dont le chef, Raymond Oliver, inaugure une émission télévisée consacrée à la cuisine (1954). André Guillot, dès 1952, au Vieux Marly, est le véritable précurseur de la nouvelle cuisine, suivi par Jean Delaveyne au Camélia à Bougival (1957) ; son second, Michel Guérard, s’installera à Asnières, au Pot-au-feu en 1965, et Jacques Manière, à Pantin, au Pactole dès 1959. Les Frères Troisgros, à Roanne, nouveaux venus sur la « route des vacances » sont aux avant-postes. La belle-mère de Pierre apporte un jour l’oseille de son jardin. Se souvenant d’avoir dégusté à Peyrehorade (Landes) un saumon de l’Adour grillé servi rosé, à peine cuit, et de l’habitude d’Alex Humbert chez Maxim’s, de lever le saumon en[...]

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  • GASTRONOMIE

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    ...C'est le règne naissant du chef devenu star. La cuisson minute investit les cuisines, illustrée par l'emblématique escalope de saumon à l'oseille des frères Troisgros, à Roanne : un simple aller et retour dans la poêle antiadhésive et une crème à l'oseille qui bousculent, par leur simplicité apparente,...