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MONDRIAN PIET (1872-1944)

L' œuvre de Mondrian (de son vrai nom Pieter Cornelis Mondriaan) est l'une des plus radicales qui soient de tout l'art du xxe siècle, ce qui explique sans doute pourquoi on l'a longtemps si mal comprise. Ses toiles furent d'abord tenues pour des modèles expérimentaux dont architectes et « designers » auraient à s'inspirer. Ses tableaux devinrent ensuite le parangon de ce qu'on nommait l'« abstraction géométrique », ou le « style » par opposition à l'« abstraction lyrique » ou le « cri », et les commentaires allaient bon train sur la « géométrie secrète du peintre ». Enfin, on interpréta son œuvre comme le testament d'un prophète néo-platonicien dévoilant la vérité du monde sous le voile des apparences. De chacune de ces lectures, Mondrian lui-même est en partie responsable (elles peuvent toutes s'appuyer sur les contradictions des très nombreux textes qu'il écrivit tout au long de sa vie). Mais elles demeurent toutes aveugles à l'enjeu de son travail, au fondement de la formidable tâche qu'il s'était assignée, à savoir la remise en cause absolue de la tradition picturale depuis la Renaissance. « Je crois que l'élément destructeur est trop négligé en art », dira-t-il à la fin de sa vie : c'est en analysant la nature toute dialectique de ce travail de destruction que l'on peut aujourd'hui enfin commencer à apprécier son art pour ce qu'il est, une redéfinition de la peinture.

Une pratique sérielle

Bien qu'il ait peint dès son plus jeune âge sous l'influence de son père et de son oncle – le premier, auteur d'affiches nationalistes et religieuses, et le second, membre influent de l'école de La Haye (version hollandaise et tardive de l'école de Barbizon) –, Mondrian mit fort longtemps à parvenir au style « néo-plastique », pour lequel il est justement célèbre : ce style n'émerge pas avant 1920, alors qu'il a près de cinquante ans. D'abord étudiant à la Rijksakademie d'Amsterdam (1892-1894), il y est fort médiocre et doit se contenter d'y suivre des cours du soir de dessin (1895-1897). Et même si les paysages de 1898-1908 font preuve d'une originalité croissante dans leur intérêt pour le cadrage et la frontalité (troncature du champ visuel et parallélisme de la structure interne de l'image avec les côtés du tableau), il serait faux de voir dans son œuvre tardive la simple continuation logique de ces toiles de jeunesse (proposée par Mondrian lui-même vers 1917 afin de faire pardonner au public l'aridité apparente de l'abstraction, cette interprétation allait conduire maints historiens et critiques à lire ses tableaux néo-plastiques comme la stylisation extrême de motifs naturels). Pourtant, une habitude de travail – la pratique sérielle – indique très tôt chez Mondrian sa difficulté à accepter pleinement les termes de la tradition picturale à laquelle il voulait encore appartenir. Avant même qu'il ne connaisse les séries de Monet, Mondrian s'intéressa à la tension s'établissant entre la structure générale d'un motif et la diversité possible de ses aspects : dès ses premières séries de paysages, il cherche toujours à retrouver le type, l'universel, l'invariant, sous le particulier, le contingent.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard

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<it>Petite Maison au soleil</it>, P. Mondrian - crédits : Mondrian/ Holzman Trust/  Bridgeman Images

Petite Maison au soleil, P. Mondrian

Composition de lignes noires, P. Mondrian - crédits : Stichting Kröller-Müller Museum, Otterlo, Pays-Bas. © Holzman Trust

Composition de lignes noires, P. Mondrian

<it>Composition II</it>, P. Mondrian - crédits : Photo 12/ Universal Images Group/ Getty Images

Composition II, P. Mondrian

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