BEMBO PIETRO (1474-1547)
Pendant longtemps, Bembo a été placé au-dessus des écrivains de son époque. Ce jugement méritait assurément d'être révisé par la postérité. Son charme nous retient peut-être moins aujourd'hui que son importance historique dans l'évolution de la langue italienne dont il fixa l'usage littéraire et du pétrarquisme dont il inaugura la mode.
Les activités d'un humaniste
Né à Venise d'une famille patricienne, le 20 mai 1474, Pietro Bembo réunit d'assez bonne heure suffisamment d'avantages pour pouvoir escompter sans outrecuidance, compte tenu de l'époque où il vécut, le chapeau de cardinal avant soixante-cinq ans, âge qu'il dut attendre pour accéder enfin à cette dignité. Son père, qui avait fait restaurer à ses frais le tombeau de Dante à Ravenne, l'éleva dans le culte des lettres et de la poésie, et, bien que voué par ses charges diplomatiques à de nombreux séjours hors de Venise, il ne se sépara jamais longtemps de son fils. Celui-ci l'accompagna à Florence en 1478-1480 et le rejoignit à Rome quelques années plus tard avant d'obtenir de lui, sans difficulté, en 1492, de se rendre à Messine pour s'y former à l'école du célèbre helléniste Constantin Lascaris. Rentré à Venise en 1494, Pietro Bembo, qui venait de se faire connaître par une relation latine dialoguée d'une excursion de Messine à l'Etna, en repartit bientôt pour l'université de Padoue. En 1497, il se transporta à Ferrare, où son père était appelé par une nouvelle mission ; il devait y demeurer jusqu'en 1505. Il y prépara l'édition des poésies de Pétrarque qui parut en 1501 à Venise chez le fameux imprimeur Alde Manuce. Il y composa aussi, entre 1497 ou 1498 et 1502, les trois livres des Asolani, également imprimés à Venise, en 1505.
Les Asolani relatent les entretiens, en forme de procès contradictoire, qui se seraient tenus peu auparavant dans la villa d'Asolo où résidait la patricienne Caterina Cornaro, reine de Chypre. On y entend trois jeunes nobles vénitiens dont l'un, parlant en procureur, dresse contre la passion amoureuse un réquisitoire légitimé à ses yeux par les tourments qu'elle inflige ; le second se fait l'avocat de l'amour, source, dit-il, de toute vraie joie ; le troisième intervient en juge pour conclure que l'amour est, en effet, élan vers la vérité divine et joie de l'âme, pourvu qu'il ne cède pas à l'appétit charnel. On reconnaît dans ce texte des traces, en vérité plus appuyées que précises, de l'enseignement néo-platonicien (M. Ficin), mais aussi des vues qui dérivent à la fois d'une certaine interprétation de la poésie de Pétrarque et de la spiritualité amoureuse du Dolce Stil Novo. Bembo ne s'y attarde pas moins, çà et là, à décrire avec complaisance les charmes du corps féminin. L'intérêt des Asolani réside moins, en fin de compte, dans les idées, passablement rebattues, qui y défilent, que dans l'art très élaboré du prosateur. C'est pendant son séjour à Ferrare que Bembo se lia d'amitié avec l'Arioste. Sans préjudice d'autres inclinations ou aventures amoureuses, il s'éprit alors, non en vain semble-t-il, de Lucrèce Borgia, devenue en 1502 l'épouse du duc Alphonse Ier, et à laquelle furent dédiés les Asolani.
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Écrit par
- Paul RENUCCI : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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