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BEMBO PIETRO (1474-1547)

Défense et illustration de la langue italienne

De 1506 à 1511, Bembo demeura tantôt à Rome tantôt à Urbin, où brillait une cour raffinée autour du duc Guidobaldo et de son épouse Élisabeth de Gonzague. Il y fut l'ami de Baldassarre Castiglione et de Jean de Médicis, alors exilé de Florence. En 1512, il apporte, par une épître latine (De imitatione), une notable contribution au débat, ouvert une trentaine d'années plus tôt, sur les règles qui devaient présider à l'imitation des grands auteurs : celle-ci devait-elle procéder, comme l'entendaient Politien et Pic de La Mirandole, d'un choix éclectique fait entre les meilleurs exemples – pris au besoin fragmentairement – que tous ces auteurs offraient, ou de l'élection d'un seul auteur jugé supérieur à tous autres et imité de façon homogène ? Par quelle voie serait le mieux garantie l'originalité de pensée de l'imitateur du style ? Laquelle pouvait faire espérer que les nouveaux écrivains en viendraient même à surpasser leurs modèles en s'y conformant ? Bembo prône le modèle unique : c'est la thèse qui l'emportera, du moins en Italie, jouant en latin au bénéfice de Cicéron, de Virgile, ou de Tacite et, dans la littérature en langue vulgaire, à l'avantage presque exclusif de Pétrarque pour la poésie et de Boccace pour la prose.

Quand Jean de Médicis fut élevé, en 1513, au pontificat sous le nom de Léon X, il appela aussitôt à Rome, dans le corps de ses secrétaires, le brillant causeur qu'il avait connu à Urbin. Malgré l'attrait d'un séjour qui lui procurait la fréquentation journalière de plusieurs des meilleurs humanistes de ce temps, Bembo s'éloigna de la ville pontificale en 1519, avant la fin du règne de Léon X. Il y fut poussé à la fois par des inquiétudes de santé, des difficultés matérielles consécutives à la mort de son père, des raisons d'ordre sentimental (d'une liaison romaine, il avait trois enfants dont il ne cessa de s'occuper, mais qu'il ne put légitimer de crainte de perdre des bénéfices ecclésiastiques précédemment reçus), peut-être enfin par la déception : le titre de cardinal tardait à venir, alors que Léon X l'avait conféré dès 1513 à son secrétaire personnel Bibbiena, de son vrai nom Bernardo Dovizi, qui avait été, tant à Urbin qu'à Ferrare, le commensal et l'ami de Bembo. En 1521, l'année de la mort de Léon X, on trouve Bembo établi à Padoue, dans une demeure ornée d'œuvres d'art qu'il ne quittera guère jusqu'en 1530, sinon pour se rendre de temps à autre à Venise. Il assista toutefois, ainsi que l'Arioste, en cette même année 1530, au passage de Charles Quint à Bologne.

C'est à Padoue qu'il reprit et acheva, de 1522 à 1524, l'ouvrage qu'il avait entrepris en 1508, et laissé en suspens en 1512, sur la langue vulgaire en littérature. Publié à Venise en 1525, sous le titre Prose della volgar lingua, ce traité en forme de dialogue se divise, comme les Asolani, en trois livres. Il relève à la fois du débat, ouvert chez les humanistes depuis près d'un siècle, sur l'aptitude de la langue vulgaire à égaler le latin dans l'expression littéraire, et du souci, apparu un peu plus tard, de codifier grammaticalement cette langue afin de lui conférer la régularité du latin (on trouve des « Règles » anonymes pour le florentin dans la seconde moitié du xve siècle et, en 1516, avaient paru les Règles grammaticales de la langue vulgaire dues à G. F. Fortunio, ce qui engagea peut-être Bembo à situer en 1502, et dans sa demeure familiale de Venise, afin de s'arroger une priorité, les conversations qui forment les Prose). Au moment où les défenseurs de la supériorité exclusive du latin sont encore nombreux, Bembo organise la discussion de manière à faire[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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