PIGMENTS
Les substances naturelles colorées ont très tôt suscité la curiosité et l'intérêt des hommes. Le simple fait qu'elles soient visibles a stimulé leur étude tout en facilitant les techniques de recherche. L'emploi de préparations naturelles pour l'embellissement des demeures, des poteries, des étoffes remonte aux époques les plus reculées. La transmission orale des recettes est responsable de la disparition d'un grand nombre de ces dernières ; on en retrouve cependant dans le Papyrus de Leyde (iiie s.) et dans les Instructions générales pour la teinture des laines de Colbert, en 1761. Les populations du bassin méditerranéen ont utilisé la pourpre, le kermès. La gaude, la garance et l'indigo ont été largement répandus en Europe. Sur le continent américain, on rencontre l'usage des bois rouges du Brésil et de la cochenille mexicaine.
Une substance est un pigment si elle absorbe la lumière visible ; de cette définition même ressort la grande hétérogénéité de ce groupe. Les fonctions chimiques responsables de l'absorption de la lumière sont appelées chromophores ; il s'agit en général soit de liaisons riches en électrons délocalisés, soit, mieux encore, de la conjugaison de ces liaisons. On a appelé auxochromes des groupes, ou fonctions chimiques, susceptibles de modifier la coloration introduite par un chromophore. Certains pigments, telle la chlorophylle, sont très répandus dans la nature ; d'autres, plus rares, n'ont parfois été trouvés que dans une seule espèce. Au cours des recherches sur les pigments a été inventée la technique chromatographique. Les progrès les plus récents sont liés au développement des techniques spectrométriques, en particulier la spectrométrie de masse et la spectrométrie de résonance magnétique nucléaire. La connaissance des processus de biosynthèse, d'une part, et celle des rôles biologiques, d'autre part, sont actuellement en pleine évolution. On présentera dans ce qui suit les caractéristiques essentielles des principales familles de pigments en les illustrant par des exemples de structures chimiques.
Pigments non azotés
Caroténoïdes
Structures et classification
Le terme caroténoïde s'appliquait à l'origine au pigment de la carotte (Wackenroder, 1830). On désigne à présent sous ce nom une famille de pigments poly- isopréniques dont la coloration varie du jaune au rouge ; leur chromophore contient de nombreuses liaisons éthyléniques conjuguées. Généralement, les unités isoprènes sont disposées de telle façon que deux méthyles sont en position 1,6 dans la partie centrale de la molécule, alors que les autres sont en 1,5.
La plupart des caroténoïdes peuvent être rattachés à la structure du lycopène. En effet, par des modifications de proche en proche telles que cyclisations, réductions, migrations de liaisons, oxydations, on peut prévoir à partir du lycopène la formule des principaux caroténoïdes naturels.
Ces pigments sont solubles dans les lipides (graisses), d'où le terme « lipochromes » qui leur est parfois attribué. Plusieurs sont des provitamines A et sont indispensables aux animaux. Ces derniers sont par ailleurs incapables de synthétiser les caroténoïdes et doivent se les procurer par leur alimentation. Ces pigments peuvent être combinés avec des acides gras (esters de xanthophylles), des protéines ( chromoprotéines) et des sucres (crocine, par exemple) ; dans les deux derniers cas, ils deviennent hydrosolubles. Les techniques chromatographiques sont nécessaires pour leur isolement à l'état pur. Des fractionnements préalables sont possibles en utilisant les différences de solubilité entre une phase supérieure éthéropétrolique (épiphase) et une phase inférieure contenant 90 p. 100 de méthanol et 10 p. 100 d'eau (hypophase). Les hydrocarbures caroténoïdes et les esters de xanthophylles[...]
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Écrit par
- Michel BARBIER : docteur ès sciences, maître de recherche au C.N.R.S.
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Médias
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