PINCEVENT
Techniques de fouille et d'analyse
Ces restes de campement, en eux-mêmes dénués de valeur, n'ont d'intérêt que si on les dégage soigneusement, en laissant tous les vestiges en place, de façon à pouvoir observer leur position relative : la fouille en décapage permet de retrouver la structuration de l'espace domestique telle qu'elle a été créée, volontairement ou involontairement, par les occupants et restitue une image proche de celle que ceux-ci pouvaient conserver à l'esprit de leur campement lorsqu'ils partaient vers d'autres lieux de séjour.
La première étape du travail consiste donc à mettre au jour le sol d'habitat enfoui en enlevant seulement le sédiment qui enrobe les vestiges. Lorsqu'on considère que l'optimum de décapage est atteint et que tous les éléments paraissent reposer sur leur base comme s'ils venaient d'y être déposés, il convient non seulement d'observer avec soin l'organisation du sol, mais aussi d'en conserver l'image par divers moyens d'enregistrement. En effet, l'étude des vestiges découverts nécessite une manipulation qui ne peut se faire qu'en laboratoire et il n'est pas possible de les laisser en place.
Chaque mètre carré de sol fouillé fait l'objet d'une photographie verticale sur laquelle tous les objets prélevés seront repérés et dûment numérotés. À partir de ces indications, il sera toujours possible, par la suite, de retrouver leur position exacte sur le sol. Les plans photographiques verticaux servent ensuite à l'établissement d'un plan général sur lequel toute la structure fouillée est représentée. Des relevés altimétriques enregistrent par ailleurs le pendage du sol et les hauteurs relatives des objets. Enfin, de très nombreuses prises de vue obliques conservent l'image « naturelle » de l'ensemble du sol ou celle des détails significatifs. Souvent, lorsque le sol décapé paraît particulièrement intéressant, on procède, avant l'enlèvement des objets, à un moulage du sol d'habitat selon un procédé qui a été mis au point en 1964 par M. Brézillon pour la première unité d'habitat découverte : l'habitation no 1. Le moulage offre l'avantage de conserver en trois dimensions la configuration réelle des sols d'habitat, et permet ainsi de la présenter au public.
L'image globale obtenue par le décapage rend directement perceptible les « structures évidentes » que constituent les foyers, les amas de silex et les accumulations plus ou moins importantes d' os ou de cendres.
La seconde étape de l'interprétation se fait en laboratoire et concerne la mise en évidence des « structures latentes ». Chaque type d'objet recèle en effet toute une série d'informations qui permettent d'aller plus loin dans l'analyse spatiale. En séparant sur des plans distincts les divers types d'outils, les os en fonction de leur origine anatomique, les déchets de combustion ou la configuration des zones imprégnées de poudre d'ocre rouge (qui avait sans doute à la fois un usage esthétique et technique), on repère les véritables zones de travail définies par quelques outils et déchets de fabrication, les zones de dépeçage du gibier ou de consommation de la viande et de la moelle, des dépotoirs mêlant des déchets de cuisine et de silex, des outils cassés et des blocs éclatés au feu, enfin des zones plus vides pouvant correspondre aux zones de couchage ou à l'empreinte d'éléments disparus.
Il est même possible de définir plus précisément les types d'activité lorsque des traces d'usage ont été conservées sur les outils et les lames tranchantes de silex : leur observation au microscope détecte des types distincts de « poli » en fonction de la matière travaillée et des gestes effectués. Ici, des lames ont servi à découper[...]
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Écrit par
- Michèle JULIEN : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur du laboratoire d'ethnologie préhistorique du C.N.R.S., U.R.A. 275
Classification
Médias
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