PINCEVENT
Les activités des Magdaléniens à Pincevent
Tout porte à croire que le retour régulier des Magdaléniens à Pincevent était lié au passage saisonnier des rennes. L'abondance des os retrouvés et le grand nombre des petites lamelles de silex qui armaient les pointes de sagaies en bois de renne attestent une intense activité de chasse. Le site était sans doute un lieu de rassemblement où se retrouvaient divers petits groupes pour les grandes chasses d'automne, comme le démontrent les diverses habitations du campement du niveau IV 20. Sans doute pratiquaient-ils une chasse collective : d'après ce que l'on sait des chasseurs de rennes actuels (les Nunamiut, d'Alaska, par exemple), l'abattage d'un maximum de bêtes lors des migrations saisonnières des troupeaux demande la participation d'un nombre important de rabatteurs et de chasseurs ; ce fait, impossible à démontrer directement à partir des données de la fouille, peut être déduit de la répartition des squelettes de rennes : des analyses très fines effectuées sur les dimensions corrélées des fragments osseux et des surfaces de contact articulaire prouvent que certains rennes ont été partagés entre deux ou trois habitations dans lesquelles ont été retrouvés les os disloqués des membres gauches et droits d'un même animal. Ce partage implique vraisemblablement, d'après les exemples actuels, une mise en commun des efforts des chasseurs. Au retour de l'expédition, le gibier devait être réparti en fonction du rôle de chacun. Les animaux, entiers ou partagés, étaient ensuite consommés dans chaque tente ; les occupants récupéraient aussi les peaux qu'il fallait traiter, les bois de renne, les os et les tendons nécessaires à la fabrication de divers instruments. Mais la vie collective ne paraît pas avoir été seulement liée à la chasse : les raccords entre des pièces dispersées montrent en effet tout un réseau de circulation à l'intérieur du campement. Des transports de lames ou d'outils de silex entre les diverses zones de travail ou le prélèvement de pierres dans certains foyers pour servir à l'aménagement d'un autre suggèrent que des individus appartenant à des installations distinctes se réunissaient pour effectuer des tâches utiles à l'ensemble de la communauté.
D'après la diversité des activités effectuées à Pincevent, on se rend compte qu'il s'agissait non seulement d'un site d'abattage et de boucherie, où seuls des chasseurs auraient pu se retrouver, mais aussi d'un camp de résidence où les femmes et les enfants pouvaient être présents. L'analyse des remontages de silex montre, par exemple, que, à côté de techniques très élaborées du débitage du silex révélant une maîtrise complète du travail de la pierre par des tailleurs expérimentés, on trouve des débitages malhabiles, réalisés sur des rognons de mauvaise qualité, qui ne peuvent avoir été produits que par des individus ne sachant comment s'y prendre : peut-être par des enfants cherchant à imiter les « grands ». Certains petits foyers associés à quelques fragments informes de silex ou d'os sans valeur fonctionnelle ou nutritive peuvent avoir une signification analogue : ils pourraient aussi avoir été allumés par des enfants au cours de leurs jeux. En tenant compte de la petite surface des abris, on suppose donc que chaque groupe correspondait sans doute à une famille nucléaire, c'est-à-dire à deux ou trois adultes et quelques enfants.
Pincevent ne constituait qu'une étape pour les chasseurs magdaléniens au cours de leurs déplacements annuels. On sait maintenant que l'une de leurs étapes précédentes se situait non loin de la confluence de la Marne avec la Seine, à 40 km au nord. En effet, on retrouve très souvent, mêlés aux abondants déchets du silex local récolté sur les rives de la Seine,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Michèle JULIEN : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur du laboratoire d'ethnologie préhistorique du C.N.R.S., U.R.A. 275
Classification
Médias
Autres références
-
ARCHÉOLOGIE (Méthodes et techniques) - L'archéologue et le terrain
- Écrit par François GILIGNY
- 4 296 mots
- 5 médias
...coupes pouvant devenir le seul témoin restant des occupations anciennes, comme dans certaines grottes quasiment vidées au xxe siècle. Parfois, comme sur lesite de Pincevent, on a même pris des empreintes au latex qui constituent un témoin intéressant des coupes stratigraphiques (Orliac, 1975). -
BRÉZILLON MICHEL (1924-1993)
- Écrit par Michèle JULIEN
- 1 008 mots
Directeur des Antiquités puis inspecteur général de l'Archéologie de 1979 à 1986, Michel Brézillon fut un des grands serviteurs de la recherche archéologique en France. Mais ces dernières fonctions ne doivent pas faire oublier le scientifique averti ou même le voyageur aventureux des premières années....
-
EUROPE, préhistoire et protohistoire
- Écrit par Gérard BAILLOUD , Encyclopædia Universalis , Jean GUILAINE , Michèle JULIEN , Bruno MAUREILLE , Michel ORLIAC et Alain TURQ
- 21 406 mots
- 22 médias
...même et à Avdeevo, mais jusqu'ici leur véritable organisation n'a pas encore été comprise. Les habitations à trois foyers de Pushkari (Ukraine) et de Pincevent (Seine-et-Marne), de dimensions plus modestes, sont plus directement compréhensibles. Il a pu être démontré à Pincevent que la structure était...