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PINDARE (517 av. J.-C./518-apr. 446 av. J.-C.)

Pindare est le principal représentant de la grande lyrique chorale, non seulement parce que la plupart des œuvres de ses rivaux ont disparu, mais parce que pour les Anciens eux-mêmes il était le maître incontesté. Certains de ses contemporains ont pu lui préférer Bacchylide, plus agréable et plus proche d'eux. Pindare, lui, est le géant qui plonge dans le passé moral et religieux. Par sa fidélité aux traditions, que, d'ailleurs, il transfigure, par son attachement à l'idéal delphique auquel il a du reste apporté sa contribution, par l'évolution de sa pensée, sa conception de l'inspiration et de la mission du poète, il présente une physionomie où se mêlent les traits d'un archaïsme finissant et ceux d'un monde classique en train de naître, encore tout engagé dans le bouillonnement créateur. Dans le domaine moral et politique, il nous apprend lui-même à quel point il était attaché, par ses origines familiales et par ses convictions, à l'antique idéal dorien. On a conservé de lui essentiellement les quatre recueils d'odes triomphales chantant les vainqueurs aux Grands Jeux de la Grèce, ainsi que des fragments de péans, dithyrambes, thrènes et autres poèmes.

L'inspiration poétique

Pindare par lui-même

Pindare a beaucoup parlé de sa poésie. Au cœur de ses préoccupations est le problème de sa propre inspiration, qui lui vient directement des dieux. Cela n'est nullement pour lui une de ces pâles clauses de style, aboutissement d'une longue histoire littéraire. Il écoute en lui-même la voix des divinités qui l'inspirent, il goûte la joie vivante de leur présence. Pour Hésiode, dont l'œuvre a beaucoup influencé Pindare, comme lui né en Béotie dans la banlieue de Thèbes, Zeus inspirait la sagesse aux rois, comme Apollon la musique aux poètes. Pour Pindare, dont les Olympiques('Ολυμπικ́α) saluent Zeus le premier, Apollon est le dieu principal de la musique et de la poésie, inséparables pour les Grecs. On en trouve des marques particulières dans les Pythiques (Πυθικ́α), dont la première montre dieux et hommes charmés par les accents surnaturels de la lyre apollinienne. À sa suite, le poète invoque divers chœurs d'inspiratrices divines : les Muses (ou Piérides) des temps archaïques, antérieures en fait à leur Musagète, et qui éclipseront leurs rivales ; les Charites aussi, antiques déesses de la fécondité du sol, déesses des eaux vivifiantes à Orchomène de Béotie, déesses, chez Pindare, de la musique et de la poésie où s'épanouissent la sève et les forces de vie. Il leur adjoint parfois les Heures, ou Saisons, qui président chaque année au renouveau de la nature. Ainsi se manifeste et se tisse sous nos yeux, dans la poésie pindarique, le lien ontologique existant entre l'inspiration du poète et la vie profonde de l'univers.

La chaîne aimantée

Tous ces éléments sont épars également dans les différents recueils pindariques ; on les retrouve dans les fragments. De fait, le poète n'a jamais fait lui-même l'exposé systématique qui se concevrait mal dans des œuvres d'apparat, liturgiques et officielles. Mais Platon en a tiré une théorie élaborée, celle de la chaîne aimantée de l'inspiration (Ion, 533 e sqq.), la Muse inspirant elle-même des inspirés, qui insufflent à leur tour l'«  enthousiasme », ou possession divine, à de nouveaux inspirés, et ainsi de suite. En effet, pour le philosophe comme pour le poète thébain qu'il révère et cite en exemple, les beaux poèmes sont d'origine divine, et les bons poètes ne sont ni plus ni moins que les interprètes qualifiés des dieux. Une telle conception de la poésie tire son origine des traditions religieuses – faut-il dire mystiques ? mais c'est là un très gros problème – les plus anciennes ; il y a déjà un certain temps que ces deux qualificatifs ne semblent plus incompatibles[...]

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-X

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