Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PINDARE (517 av. J.-C./518-apr. 446 av. J.-C.)

Religion et mythologie

Chaque Épinicie ('Επιν́ικιον, ou Ode triomphale), et probablement chaque poème ou à peu près, comporte un, voire des mythes insérés dans sa trame. Le poète y célèbre les dieux et y narre les exploits des héros, de ceux dont la vaillance et les vertus sont proposées en modèle au vainqueur du jour, à l'athlète qui vient de s'illustrer, comme à tous ceux qui écoutent chanter sa gloire. On sait que la mythologie grecque contient bien des détails inadmissibles en l'état de nos mœurs, et qui déjà choquaient les Anciens. Pindare refuse de les admettre : « Il m'est impossible de traiter de goinfre aucun des Bienheureux », déclare-t-il dans la Ire Olympique, à propos de Démèter affligée, dévorant sans s'en apercevoir un morceau du jeune Pélops servi par Tantale. D'autres fois, il passe sous silence ce qui lui semble inadmissible, le meurtre de Phôcos par ses frères Télamon et Pélée (Ire Néméenne) ou la triste fin de Bellérophon, haï des dieux pour son orgueil et ses blasphèmes (XIIIe Olympique). De même refuse-t-il, dans la IIIe Pythique, de reconnaître qu'Apollon ait appris par le corbeau, dont parle Hésiode, la trahison de Coronis, alors que le dieu de l'oracle de Delphes est forcément omniscient : « Toi qui n'as pas le droit de même effleurer l'inexact », lui dit le centaure Chiron (IXe Pythique). Pindare exalte, presque avant la bravoure, en tout cas avant la force brutale, les vertus morales, chasteté d'un Pélée (Ve Néméenne), volonté héroïque d'un Héraclès enfant (Ire Néméenne).

Les dieux

Zeus est, bien entendu, le premier des dieux pour Pindare qui, de même que l'Eschyle des Suppliantes ou de l'Orestie, semblerait se rapprocher du dieu suprême d'une religion monothéiste. Certes, Zeus était, chez Homère, le vrai maître des dieux, mais un tel élan n'avait là rien de comparable à ce qu'il semble être chez le lyrique thébain, qui réserve également à Apollon une place de choix, surtout dans les Pythiques et, sans doute aussi, dans les Péans. En est-il de même pour d'autres dieux ? On ne le sait trop, l'œuvre étant mutilée. Dionysos, par exemple, qui occupe relativement peu de place, apparaîtrait sans doute sous un jour tout autre si l'on possédait plus que des bribes des Dithyrambes. En tout cas, Pindare semble révérer tout spécialement les divinités à mystères, telles Démèter et sa fille Coré-Perséphone. On trouve aussi chez lui des dévotions plus exotiques, celle du Zeus Ammon libyen ou de la Grande Mère, pour laquelle, disent ses biographes, il fit bâtir à ses frais une chapelle près de sa maison. Il évoque parfois de très antiques déités, comme cette Mère du Soleil, Théia (Ve Isthmique), qui personnifie peut-être la lumière et la gloire associées, rappelant d'une certaine manière cette déesse Soleil d'Arinna qu'adoraient les Hourrites.

Les héros

Toutefois, le véritable enseignement de ses mythes réside dans le parallélisme étroit établi entre le héros du jour et le héros du mythe, celui-ci proposé en modèle à celui-là, qu'il soit roi comme Hiéron de Syracuse et Théron d'Agrigente, ou athlète illustre comme Diagoras de Rhodes et Télésicrate de Cyrène. Un exemple typique est celui de la IVe Pythique, ode exceptionnellement longue, comparable à un chant épique, que le poète conclut en essayant d'obtenir du destinataire, le roi Arcésilas de Cyrène, la grâce d'un exilé politique, son parent, réfugié à Thèbes : l'épisode central montre le jeune Jason réclamant son héritage à l'usurpateur Pélias avec la sereine modération que le poète, fort de sa mission et pratiquant l'art de conseiller les rois, veut suggérer au jeune monarque. Ailleurs, ce sont Pélée, Achille, Cadmos, Héraclès, et bien d'autres encore, dont le poète propose l'exemple héroïque[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-X

Classification

Autres références

  • OLYMPIQUES, Pindare - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 825 mots

    Les Olympiques font partie des Épinicies de Pindare (518/517-446 av. J.-C.), ensemble d'odes destinées à célébrer les vainqueurs des compétitions athlétiques. La grande majorité de l'œuvre du poète grec, né à Thèbes, nous est inconnue ; ne nous sont parvenus que quatre livres des ...

  • GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) - Langue et littérature

    • Écrit par et
    • 8 259 mots
    • 2 médias
    ...dans les guerres médiques. Cependant, c'est en dehors de l'Attique, mais non sans rapport avec elle, que naît et se développe la lyrique chorale, dont Pindare et Bacchylide sont les plus illustres représentants. Leur œuvre conservée est surtout faite de cantates chantées à l'occasion des victoires remportées...
  • JEUX OLYMPIQUES, Grèce antique

    • Écrit par
    • 8 385 mots
    Une autre tradition (Pindare, Olympiques) attribue non la création mais la restauration des Jeux à Héraclès : le héros-dieu réinstaure les jeux Olympiques après qu'il eut tué Augias, roi d'Élis, qui refusa de lui donner le dixième de son troupeau comme il s'y était engagé après qu'il eut...
  • JEUX OLYMPIQUES - La renaissance des Jeux

    • Écrit par
    • 5 087 mots
    L' existence des jeux Olympiques de l'Antiquité est attestée par plusieurs écrits, notamment les Olympiques de Pindare (ve siècle avant J.-C.) : celles-ci font partie des Épinicies, un ensemble d'odes destinées à célébrer les vainqueurs des compétitions sportives de la Grèce antique. Quatre...
  • LYRISME

    • Écrit par , , , et
    • 10 725 mots
    • 2 médias
    Un tout autre aspect du lyrisme s'impose avec Pindare (env. vie-ve s. av. J.-C.). D'inspiration dorienne, les épinicies pindariques retentissent comme des hymnes aux dieux et à la cité des hommes. Par-delà l'éloge des athlètes vainqueurs, l'ordre du monde est célébré. La circonstance devient prétexte...