PINDARE (517 av. J.-C./518-apr. 446 av. J.-C.)
Mission sacrée du poète
Ces images sont loin d'être de purs ornements poétiques. Elles nous donnent la clef de la poésie pindarique.
Les thèmes poétiques et l'archéologie
Un rapprochement s'impose entre les principaux thèmes relevés et ceux de l'iconographie funéraire. Dans ce dernier cas, la finalité suggérée tant par les scènes que par l'ornementation est évidente : c'est la vie bienheureuse dans l'au-delà. À l'époque classique, citons surtout les vases peints (lécythes funéraires, amphores, coupes, etc.), dont le symbolisme peut être rapproché de celui des fresques des tombes étrusques : justement, on connaît mieux, depuis les découvertes du professeur Napoli à Paestum, la valeur du rapprochement avec la grande peinture grecque des temps classiques (cf. Bibliographie). Plus tard, ce seront les sculptures des sarcophages romains de haute et basse époque qui éveilleront des résonances du même ordre. Le poète est parfaitement conscient de tout cela. Mieux, interprète et héraut des dieux, lors de l'exécution d'une ode, il prépare les voies à l'immortalité du vainqueur. Le poème joue dans cette destinée un rôle actif ; il en est l'instrument : « L'ombre épaisse ensevelit les grandes valeurs si les hymnes font défaut », dit la VIIe Néméenne, et, selon la Xe Olympique, le triomphateur arrivé chez Hadès sans un chant triomphal n'a connu qu'une joie sans lendemain, alors que les Piérides peuvent, elles, perpétuer sa gloire par la musique et la poésie. Justement l'archéologie nous apprend l'importance de la musique figurée sur les monuments funéraires (cf. A. Delatte et E. Pottier, in Bibliographie). Quant aux Muses immortalisant n'importe quel mort, ou presque, figurées sur les sarcophages de l'Empire romain, elles descendent en droite ligne des déesses de vie, Muses comme Charites, qui furent les inspiratrices de Pindare.
Eschatologie des mythes
L'étude des mythes confirme les indications des thèmes symboliques. Voyage dans l'autre monde que celui de Jason parti sur le navire Argo chercher la Toison, mais aussi l'« âme de Phrixos » (Pythiques, IV, v. 160), ou celui de Persée chez les Hyperboréens, servants d'Apollon, qui ne vieillissent ni ne meurent (Xe Pythique). Promesse de vie divine que l'union d'un mortel, Cadmos ou Pélée, avec une déesse, Harmonie ou Thétis (IIIe Pythique). Apothéose assurée que celle d'Héraclès à qui la prophétie de Tirésias auprès de son berceau (Ire Néméenne) annonce l'hymen avec Hébé et l'admission aux festins des dieux. Le revers de la médaille est présenté aussi, avec les châtiments de criminels célèbres, le Typhon de la Ire Pythique ou le Tantale de la Ire Olympique. On pourrait multiplier les exemples des orientations eschatologiques de la poésie pindarique.
Ésotérisme de Pindare ?
Cela nous amène à poser le problème de l'appartenance possible du poète à telle secte ou de son initiation à tels mystères, à tout le moins des influences sur lui des mouvements mystiques contemporains. Comme pour Eschyle, qui, lui aussi, séjourna en Sicile, terre d'élection des orphico-pythagoriciens, et de surplus habitant de Thèbes, refuge des plus anciens disciples pythagoriciens en Grèce, il serait imprudent, malgré les affirmations de Cicéron et de Clément d'Alexandrie, de répondre par l'affirmative. Il serait cependant plus imprudent encore de trancher par la négative. En effet, l'œuvre en elle-même est parlante. Nous avons remarqué la prédilection de Pindare pour les dieux des cultes à mystères. Mieux, certains fragments des Thrènes, poèmes funéraires, attestent une évidente familiarité avec les doctrines éleusiniennes. Tout le monde est d'accord sur l'aspect mystique (beaucoup précisent « orphico-pythagoricien ») du mythe de la [...]
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Écrit par
- Jacqueline DUCHEMIN : ancienne élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-X
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