LAVON PINHAS (1904-1976)
Né à Kopytchiniky en Galicie (Pologne), Pinhas Lubianiker (qui devait changer plus tard son nom en Lavon) étudia le droit à Lvov et milita activement dans le Mouvement de jeunesse sioniste socialiste (non marxiste) Gordonia. Après avoir immigré en Palestine en 1929 et s'être établi dans le kibboutz Hulda, il devint l'un des principaux théoriciens de son mouvement. Par la suite, il déploya une grande activité dans la Histadrouth (Confédération israélienne du travail) et contribua à l'unification du mouvement des kibboutzim.
En 1938, Pinhas Lavon fut promu secrétaire du Parti social-démocrate modéré Mapaï ; en 1942, il fut élu membre de l'exécutif de la Histadrouth, dont il devint secrétaire général en 1949. Dans cette charge, il réussit à amener à la Histadrouth le syndicat des enseignants et le mouvement ouvrier religieux, qui, jusque-là, avait été autonome.
Après la création en 1948 de l'État d'Israël, Lavon fut élu au Parlement, où il siégea de 1949 à 1961. Il fut ministre de l'Agriculture de 1950 à 1952, puis ministre d'État. En décembre 1953, après la première démission de Ben Gourion, Lavon remplaça celui-ci au ministère de la Défense dans le gouvernement Moshé Shareth, s'appliquant notamment à rendre plus étroite la collaboration militaire d'Israël avec la France, qui était alors en difficulté avec les mouvements nationalistes arabes en Afrique du Nord.
À la fin de 1954, un réseau d'espionnage israélien fut découvert au Caire et deux de ses membres exécutés. Ce fut le début de l'« affaire Lavon ». Le ministre précisa que le réseau avait été organisé à son insu. Une commission d'enquête fut instituée, comprenant un ancien chef d'état-major et un juge à la Cour suprême, mais elle n'aboutit à aucune conclusion. Lavon, en février 1955, dut démissionner de son poste (qui fut de nouveau occupé par Ben Gourion) et il redevint secrétaire général de la Histadrouth, où il effectua plusieurs réformes.
L'affaire rebondit en 1960 quand un officier accusé de corruption avoua avoir fait un faux témoignage devant la commission d'enquête de 1954. Lavon exigea alors sa propre « réhabilitation ». Une grande émotion s'empara de l'opinion publique israélienne ; ce rebondissement entraîna même la dissolution du Parlement et de nouvelles élections, qui se déroulèrent en 1961. Une nouvelle commission de sept membres, présidée par le ministre de la Justice, P. Rozen, avait entamé une enquête approfondie, qui l'amena à confirmer les dires de Lavon. Mais Ben Gourion, qui était resté chef du gouvernement et ministre de la Défense, refusa les conclusions de la commission et, selon ses instructions, le parti Mapaï fit pression sur la Histadrouth de telle sorte que Lavon dut quitter la charge de secrétaire général qu'il y occupait.
C'est seulement en 1964, après la démission définitive de Ben Gourion, que son successeur, Levi Eshkol, déclara « non valable » la démission forcée de Lavon ; celui-ci continua néanmoins à exiger sa réhabilitation officielle concernant les actions qu'on lui avait reprochées comme ministre de la Défense. Ses amis quittèrent le Mapaï et fondèrent un mouvement autonome, qui se donna le nom « De la base » (retour aux sources) mais qui, bien que comptant plusieurs penseurs du socialisme israélien, ne réussit pas à attirer de larges couches de la population. Ben Gourion, avec le général Dayan et Shimon Peres, sortit à son tour en 1965 du Mapaï pour créer le parti Rafi (social-démocrate de droite), qui, pendant plusieurs années, joua un rôle important dans la politique d'Israël.
La guerre de Kippour et les événements qui suivirent détournèrent de cette affaire l'attention du public. Lavon mourut presque oublié.
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Écrit par
- Charles BLOCH : professeur à l'université de Tel-Aviv, professeur associé à l'université de Paris-X
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