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PINOCCHIO

L'auteur de Pinocchio, récit pour l'enfance traduit dans toutes les langues, est bien moins connu que son pantin de bois, tant il est vrai que les figures mythiques des œuvres d'art échappent à leur créateur pour vivre leur propre vie. Né à Florence en 1826, Carlo Lorenzini, qui lutte pour le Risorgimento de la nation italienne, est invité, après avoir participé aux campagnes de libération de 1849 et 1859, à ne plus se mêler de politique et il adopte par prudence le pseudonyme de Collodi, qui est le nom du village natal de sa mère. L'unité italienne achevée, il traduit des fables de Perrault et de Mme d'Aulnoy, puis publie des histoires pour enfants (Giannettino, 1877, et Minuzzolo, 1878) dont les petits héros ne parviendront jamais à conquérir l'immortalité.

C'est en feuilleton que paraît entre 1881 et 1883 l'Histoire d'un pantin (Storia di un burattino) dans le Giornale per i bambini ; le directeur de la publication doit souvent réclamer le prochain épisode à un auteur négligent ; lorsque l'histoire tourne court sur la mort de Pinocchio pendu à une branche, les petits lecteurs protestent contre cette fin prématurée en écrivant au journal et exigent une suite : Collodi est obligé d'inventer de nouveaux rebondissements ! C'est dire que sans cette participation du public enfantin (fréquente de la part des adultes dans les feuilletons de l'époque) les mésaventures du pantin de bois ne seraient pas ce qu'elles sont. Collodi est en partie un auteur malgré lui et Pinocchio un personnage indirectement façonné par les enfants eux-mêmes.

Le succès ainsi remporté incite l'auteur à publier le tout sous le titre de Les Aventures de Pinocchio (Le Avventure di Pinocchio, 1883). Les avatars et la désinvolture de la rédaction peuvent expliquer les méandres de l'intrigue et certaines erreurs de finition (Pinocchio analphabète lisant l'inscription sur la tombe de la fée). La critique moderne, plus sensible à l'humour, considère volontiers que ces « erreurs » sont volontaires, que les redondances sont la règle d'un récit mythique et insiste au contraire sur la cohérence et la logique interne de l'imaginaire collodien jusqu'à proposer une analyse structurale fort savante de l'œuvre. Comment en effet rendre compte du succès universel de ce conte si ce n'est par l'efficacité symbolique de cette trouvaille du pantin de bois qui accède à la fin de l'histoire à la condition d'enfant ? Il s'agit d'un véritable itinéraire initiatique durant lequel le petit lecteur qui s'identifie à Pinocchio subit lui-même toute une série d'épreuves pour que soient en fin de compte reconnus aussi bien les droits que les devoirs d'un enfant.

Le succès peut également s'expliquer par la manière concrète dont est posé le problème du bien et du mal dans la conscience enfantine, surtout à une époque où le souci moralisateur était la règle dans une littérature enfantine trop didactique. L'originalité de Collodi, c'est un certain réalisme des personnages et du décor paysan. Notre pantin ne rencontre point d'ogres, de sorcières et de dragons conventionnels mais un grillon, un serpent, un pêcheur, un montreur de marionnettes tels qu'un enfant toscan pouvait en rencontrer au détour du chemin. La fée, si l'on excepte ses cheveux bleus, est une simple jeune fille puis une mère que Pinocchio appelle mammina. Néanmoins, c'est un réalisme magique — correspondant à la vision enfantine — par le caractère emblématique des lieux et du bestiaire.

Si vivante qu'elle soit, on peut trouver assez conformiste la morale d'une histoire qui transforme en ânes les enfants qui font l'école buissonnière. Néanmoins l'humour du récit a des aspects subversifs ; un donneur de leçon comme le grillon reçoit un bon coup de[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Stendhal, Grenoble

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