BAROJA PÍO (1872-1956)
Un univers multiforme
L'œuvre est, en effet, nourrie d'histoire personnelle : Baroja parcourut la Péninsule dans tous les sens, il visita Paris plusieurs fois, la Suisse, la Hollande, l'Allemagne et les pays scandinaves. Ces voyages lui fournirent pour ses romans des décors contrastés, des toiles de fond suggestives, d'inépuisables thèmes.
Mais l'achat d'une bastide à Vera de Bidassoa, tout près de la frontière française, changea son rythme de travail : il passa désormais l'hiver à Madrid et l'été à Vera. Par ailleurs, il trouvait en Rafael Caro Raggio, l'époux de sa jeune sœur Carmen, un compagnon inséparable, un éditeur aussi : leur maison commune de Madrid allait devenir le siège social de la maison d'édition.
Tel fut le cadre personnel où Baroja put, jusqu'à la guerre civile, s'adonner à la création d'un univers multiple et passionnant.
Les trilogies
Une vision du monde est un choix, et un aveu. Les premiers titres de Baroja esquissent avec précision et poésie les contours de cet univers initial, où le romanesque commence à peine à se dégager des profils du réel : La Terre basque, La Vie fantastique, La Lutte pour la vie, Le Passé, La Race, Les Villes, La Mer, Agonies de notre temps, La Forêt profonde, La Jeunesse perdue, Les Jours funestes, Les Saturnales...
Mais c'est peut-être Zalacain l'aventurier qui, entre tous, évoque le plus fidèlement l'atmosphère du pays basque. Quant à la trilogie La Lutte pour la vie, avec son titre darwinien et ses trois volets directement évocateurs (À l'aventure, Mauvaise Graine, L'Aurore rouge), elle puise aux sources de l'expérience madrilène et jette le lecteur, non sans une certaine rudesse riche de sympathie, dans la vie des bas quartiers, avec sa pègre et ses golfos que campera avec tant de vérité un Eduardo Vicente, mais aussi avec ses ouvriers, socialistes, socialisants ou anarchistes, tous originaux, âpres dans la discussion, volontaires, imaginatifs.
Les « Mémoires d'un homme d'action »
Avec ce monument de vingt-deux volumes, écrit entre 1911 et 1935, Baroja choisit comme nouvelle source d'inspiration l'histoire et l'érudition, procédant, à force de finesse et de pénétration, à une véritable radiographie clinique de l'Espagne du xixe siècle. Quel prétexte plus exaltant pour lui que les exploits d'un parent, de ce fameux Eugenio de Aviraneta, dont la vie, de l'Espagne au Mexique – ou en Grèce avec lord Byron – avait été si pleine d'aventures et de conspirations. Aviraneta était le double idéal du romancier frustré, le complément, dans l'imaginaire, d'une existence médiocre.
En Espagne, on ne peut comparer les Mémoires d'un homme d'action, cette saga historique, qu'à l'immense fresque des Épisodes nationaux de Galdós. Mais la création de Baroja repose sur des recherches personnelles plus minutieuses et impitoyables, sur des matériaux historiques moins connus. Baroja ne s'intéresse pas seulement aux grands faits, aux grands hommes, aux grands événements. Il prête une attention compréhensive spontanée à toutes les couches du peuple espagnol, aux petites gens, aux obscurs guérilleros. L'Espagne elle-même n'est pas pour lui un champ clos, mais une province de l'Europe soumise aux influences des mouvements libéraux ou réactionnaires de France et d'ailleurs. La vision d'un passé récent suggère – ou implique ? – une appréciation clairvoyante et originale de l'actualité.
L'œuvre non romanesque
Cette appréciation, Baroja n'a cessé de la reprendre, de la corriger, de l'affiner. Certaines pages de ses romans sont déjà, bien souvent, des essais sur le destin de l'Espagne, sur l'avenir de la science, la psychologie des peuples, les courants artistiques et littéraires, la vie des hommes dans la nature[...]
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- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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