Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SIMMONS PIP (1942- )

Metteur en scène anglais, Pip Simmons est l'animateur du Pip Simmons Theatre Group, fondé en 1968. En ces années-là, à l'exemple du jeune théâtre américain, plusieurs groupes tentent de créer à Londres un théâtre différent, qu'ils appellent un « théâtre alternatif ». Le Pip Simmons Theatre Group est un des rares survivants de ce mouvement. Il a su se maintenir, s'affirmer et pousser très loin ses recherches sans renier l'esthétique de ses origines : violence des images et du rock, dérision, ironie cinglante, parodie, humour souvent cruel, provocation, nudité.

Les premiers spectacles du groupe furent, à l'Arts Lab de Drury Lane, The Masque Routine, adapté de George Kaiser (1968), et cinq pièces de Jean Tardieu ; puis une adaptation de The Pardoner's Tale, de Chaucer (1969). En 1970, il connaît son premier succès avec Superman, qui atteint trois cents représentations au Mickery Theatre d'Amsterdam. Il crée ensuite Do It, d'après Jerry Rubin (1971), une adaptation d'Alice in Wonderland (1971) et The George Jackson Black and White Minstrel Show (1972). Après une interruption d'un an en 1973, et le renouvellement partiel de la troupe, Pip Simmons monte successivement Dracula (1974), An die Musik (1975), Le Songe d'un homme ridicule d'après Dostoïevski (1975), Le Masque de la mort rouge, d'après E. A. Poe (1977), des adaptations du Woyzeck de Büchner (1977) et de La Tempête de Shakespeare (1978), We, d'après une nouvelle de Zamiatine (1978), Rien ne va plus (1980), Can't not sit still (1982), Snuff (1983).

Théâtre pauvre, obligé pour survivre à de continuelles tournées à travers l'Europe, le théâtre de Pip Simmons est construit sur le jeu de l'acteur et sur la musique (la plupart de ses comédiens sont aussi musiciens). Ces comédiens, d'une sûreté et d'une exigence remarquables, savent aller très loin dans l'excès, dans le dépassement de soi, tout en s'intégrant totalement à des spectacles qui, malgré la profusion, le jaillissement et l'apparent désordre de la mise en scène, restent toujours très cohérents.

Comme ses prédécesseurs du jeune théâtre américain (entre autres, le Living Theatre), Pip Simmons cherche à subvertir le confort intellectuel du spectateur, afin de créer en lui une prise de conscience. Sans jamais abandonner les moyens du théâtre, il y réussit mieux que ses devanciers, grâce à la logique, à la rigueur extrême avec lesquelles il mène ses tentatives de subversion. Plus que politique, sa position est peut-être morale : « Je me place, dit-il, sur un plan de morale simple, sans ambiguïté, dont il n'est pas possible de détourner le sens. »

Déjà, avec The George Jackson Black and White Minstrel Show, il s'emparait d'un genre traditionnel américain, le minstrel, spectacle raciste où des Blancs déguisés en « bons Noirs » chantent le blues et le gospel, et, tout en suivant parodiquement les règles de ce genre, il le détournait afin de placer le spectateur dans l'inconfortable position du voyeur assistant, participant même, à l'humiliation d'un peuple.

Premier spectacle montré après la dissolution de la troupe originale, en 1974, An die Musik va plus loin dans cette voie. Le phénomène artistique — si l'on peut dire — qui est ici utilisé, ce sont ces orchestres de déportés que les nazis formaient dans les camps d'extermination. Les comédiens de Pip Simmons miment des scènes d'humiliation bien minimes en regard de l'atrocité des camps. Mais ils le font avec une vérité si hallucinante qu'elles en paraissent réellement vécues, réellement subies. En nous rendant malgré nous témoins et complices d'un spectacle fondé sur l'humiliation de ses acteurs, c'est la réalité même des camps que Pip Simmons nous impose. L'illusion théâtrale soudain bascule, et le spectateur s'aperçoit qu'il est en[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification