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PIRANÈSE (1720-1778)

La série des Prisons (Invenzioni di carceri) de Piranèse, publiée en 1745, puis rééditée en 1760, a valu à son auteur une célébrité durable. Les premiers, les Anglais, néo-classiques et néo-gothiques, se sont enthousiasmés pour ces œuvres ; après Walpole et De Quincey, Hugo, Nodier, Gautier se sont approprié l'univers imaginaire du graveur, attachant son nom à une sorte d'angoissant caprice architectural : des gouffres sans fond, coupés d'escaliers et de ponts vertigineux dont on ne sait où ils mènent.

Cependant, Piranèse, qui s'intitulait lui-même « architecte vénitien », fut aussi archéologue et théoricien. Ce graveur-poète, salué par les préromantiques, joua un rôle déterminant dans le mouvement de retour à l'antique qui marqua la seconde moitié du xviiie siècle et dans l'élaboration du style néo-classique.

Cette personnalité contradictoire, impétueuse et changeante, plus apte à la création qu'à la défense soutenue de doctrines définies, et qui influença plusieurs générations d'artistes – essentiellement des architectes anglais et français–, se plie mal aux classifications des historiens.

La jeunesse

Giovanni Battista Piranesi est né à Mestre, en Vénétie. Son père, Angelo, était tailleur de pierre ; mais le jeune Piranèse apprit l'architecture chez son oncle maternel Matteo Lucchesi, ingénieur des Eaux. Henri Focillon a longuement analysé le milieu complexe où se formait alors un architecte vénitien : Piranèse passa dans l'atelier de l'érudit Temanza, admirateur convaincu de Palladio, auteur d'un recueil archéologique, Le Antichità di Rimini, puis chez le classique Scalfarotto, mais aussi, comme il était d'usage, dans une bottega de scénographes, les Zucchi, où il apprit la perspective théâtrale. Il pratiqua enfin la peinture, peut-être avec Giambattista Tiepolo.

Passionné d'histoire romaine dès son jeune âge, il put, en 1740, à vingt ans, se joindre à l'escorte de l'ambassadeur de Venise auprès du Saint-Siège. Sa formation s'acheva donc à Rome, auprès des Valeriani pour la perspective, et dans l'atelier de Giuseppe Vasi le Palermitain où il s'initia à la gravure. Vasi gravait avec succès des Vues de Rome et Piranèse se lance dans la carrière des vedutisti et des ruinistes où s'illustrent surtout des peintres, Marco Ricci ou Giovanni Paolo Pannini. Mais la résonance poétique et dramatique des paysages architecturaux de Piranèse, sa science de l' eau-forte qui varie à l'infini les effets des blancs et des noirs (le trait continu est banni au profit des hachures dont le sens est toujours diversifié ; le vernis dur qui empêchera l'action de l'acide et ménagera les blancs de la gravure est posé après coup, au pinceau, en touches sensibles) conquerront rapidement le public à ses gravures. Au bout de quelques mois, Piranèse rompt brusquement avec son maître Vasi auquel il reproche, outre son manque de confiance, de lui cacher des secrets de métier. Il s'associe avec son compatriote Polenzani. Tout le jour, il parcourt les ruines antiques, en compagnie du sculpteur Corradini, Vénitien comme lui, ou bien avec des pensionnaires de l'Académie de France dont il est familier, observant, dessinant sans relâche, n'abandonnant les antiques que pour courir aux bibliothèques compléter ses connaissances archéologiques. Cette passion de l'Antiquité, qui ne le quittera plus, le mène à Naples, où il se remet à la peinture avec Luca Giordano et produit quelques bambochades, passées ensuite, affirme Legrand, son ami et biographe, dans la collection des Rezzonico, mais dont on ne sait rien. Il s'abouche surtout avec les premiers explorateurs des ruines d'Herculanum et mûrit encore son projet d'une espèce d'encyclopédie gravée de l'architecture antique. Il sera en mesure de réaliser son rêve lorsque, après un bref retour[...]

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Écrit par

  • : conservateur des Musées nationaux, attachée de recherche au C.N.R.S.

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Colonnes antiques - crédits :  Bridgeman Images

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