PIRANÈSE (1720-1778)
Le graveur des antiquités romaines
Jusqu'à sa mort, Piranèse ne devait plus cesser de dessiner et de graver les œuvres de l'Antiquité, à Rome, dans la campagne romaine où il fouille, surtout à la villa Hadriana. Il collectionne infatigablement les fragments d'architecture, échangeant et marchandant avec Gavin Hamilton ou le cardinal Albani, et, surtout, il commence à publier ses œuvres : son premier recueil gravé, Prima Parte d'architettura (1743), présente un choix de monuments « à l'antique », mais imaginaires, qui témoignent de son admiration pour Rome et pour Palladio plutôt que de scrupules archéologiques. Ce goût pour les restitutions grandioses et la fiction a posteriori lui inspira encore, en 1761, cette gigantesque rêverie qu'est Il Campo Marzo. Les Prisons constituent l'aboutissement le plus neuf de cette méditation « visionnaire » sur le passé. Cependant, dès 1744, les Capricci, d'un « métier blond », sensible et brillant, trahissaient un sentiment nouveau des ruines pittoresques, inspiré sans doute des Inventions de Jean-Laurent Legeay, pensionnaire à l'Académie de France depuis 1738 et dont l'action devait être déterminante sur les jeunes générations d'architectes français. Toutefois, la manière propre de Piranèse s'affirma vite ; son dessin exact, qui détaille les appareils et les structures, n'exclut pas l'amplification systématique des proportions, la surenchère de la perspective : Goethe se plaindra que les ruines de Rome ne soient pas à l'échelle des gravures de Piranèse. Mais l'ensemble des planches constitue une sorte de musée imaginaire, accessible à un public accru de voyageurs et d'amateurs, ainsi qu'un prodigieux répertoire de formes pour les artistes. On citera : Opere varie di architetture, prospettive, grotteschi (1750) ; Trofei di Ottaviano Augusto (1753) ; Le Antichità romane (1756, recueil dédié à Robert Adam) ; Le Rovine del castello dell'Acqua Giulia (1761) ; Lapides capitolini (1762) ; Le Antichità di Cora (1763) ; Antichità d'Albano e di Castel Gandolfo (1764) ; Vedute di Roma (1748-1778, recueil de vues de la Rome antique et moderne) ; Vasi, candelabri, cippi... (1778). En 1778, année de sa mort, parurent aussi les Différentes Vues de quelques restes de trois grands édifices qui subsistent encore dans l'ancienne ville de Pesto : dix-neuf vues seulement sur vingt et une sont de Piranèse ; son fils, Francesco, achèvera l'ouvrage après la mort de son père.
Les gravures de Piranèse, vendues d'abord par Bouchard et Gravier, marchands d'estampes au Corso, furent ensuite éditées par l'auteur. Dès 1750 environ, Piranèse avait quitté le Corso et installé son atelier à la Trinité-des-Monts, strada Felice. Ses gravures de Rome étaient fort recherchées des voyageurs et Piranèse dut s'entourer d'artistes qui le secondèrent : Barbault, pensionnaire de l'Académie de France, qui exécutait surtout les figurines de ses gravures ; Dolcibene, Girolamo Rossi ; puis, à la fin de sa vie, ses enfants Francesco, Angelo et Laura, sa fille, qui gravait aussi, et l'architecte Benedetto Mori qui accompagna Piranèse à Paestum.
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Écrit par
- Sylvia PRESSOUYRE : conservateur des Musées nationaux, attachée de recherche au C.N.R.S.
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