PIXÉRÉCOURT RENÉ CHARLES GUILBERT DE (1773-1844)
Une carrière éclatante (cent vingt pièces, trente mille représentations). Tirant le meilleur parti d'un genre qu'il contribua à élaborer et qui triompha, de 1800 à 1830, sur les scènes françaises, Guilbert de Pixérécourt mérite bien le nom de père du mélodrame.
Issu d'une vieille famille lorraine, il reçoit d'un père sévère et quelque peu brutal une éducation destinée à tremper son caractère. Après des études brillantes au collège de Nancy, il fait son droit et choisit de se consacrer au barreau lorsque son père lui enjoint d'aller rejoindre à Coblence l'armée de Condé. Après huit mois de campagne, il décide de rentrer en France où, frôlant la mort à plusieurs reprises, il traverse la tempête révolutionnaire en vivant des aventures dignes des héros de son futur théâtre. Cet ancien aristocrate se retrouve finalement sous les ordres de Carnot à la section de la Guerre. Il se marie, enlumine des éventails pour subvenir aux besoins de son jeune ménage, et n'arrête pas d'écrire : idylles, comédies, opéras bouffes, etc., tous refusés, à l'exception d'une première pièce, Sélico ou les Nègres généreux, acceptée simultanément dans deux théâtres, mais qui ne sera en fin de compte jamais jouée.
Les Petits Auvergnats (1796) et Victor ou l'Enfant de la forêt (1798) marquent les débuts d'une carrière sans précédent dans l'histoire du théâtre. Le lecteur d'aujourd'hui demeure confondu devant la platitude des textes, et l'engouement du public de l'époque lui semble incompréhensible. C'est que Pixérécourt sut élever à la dignité d'un genre littéraire un théâtre essentiellement populaire ; populaire, il l'est par son réalisme scénique : le mélodrame, en effet, issu du théâtre de la Foire, captive l'attention par la formule divertissante d'un spectacle complet (pantomimes, musique, ballets). Il offre un argument moral schématique : l'innocence est persécutée et le vice puni. Mais tous ces éléments s'inscrivent dans le cadre d'une structure dramatique cohérente, et la langue, en dépit de formules ampoulées et d'aphorismes moraux, ne manque ni de naturel ni d'élégance.
Les mélodrames de Pixérécourt furent appréciés de toutes les couches de la société, et Hugo ou Dumas ne renièrent jamais leur admiration pour ce théâtre vivant et passionné qui contribua sans doute à l'éclosion du drame romantique.
Les principaux succès du théâtre de Pixérécourt furent : Cœlina ou l'Enfant du mystère (1800), Le Pèlerin blanc, Les Orphelins du hameau (1801), L'Homme à trois visages, La Femme à deux maris (1802), Les Ruines de Babylone (1810), Le Chien de Montargis (1814), La Fille de l'exilé (1819), Le Château de Loch-Leven (1822), Polter ou le Bourreau d'Amsterdam (1828), Latude ou Trente-Cinq ans de captivité (1834). La plupart de ces pièces furent inspirées de romans de Ducray-Duminil. À partir de 1830, Pixérécourt travailla en collaboration avec Brazier, Mélesville et Victor Ducange.
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Écrit par
- France CANH-GRUYER : diplômée d'études supérieures de littérature française
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Autres références
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MÉLODRAME
- Écrit par Anne UBERSFELD
- 3 297 mots
Le mélodrame est un genre décrié. Sa réputation a été grande et René Charles Guilbert de Pixérécourt (1773-1844), le « Corneille du mélodrame », gagnait, à produire des mélodrames, plus de 25 000 francs par an. Somme énorme. De nos jours, le mélodrame « est victime d'un reproche majeur et général...