PLACEBO
Produit sans activité pharmacologique mais présenté de façon identique au produit actif, ce qui permet de tester la validité de ce dernier dans un essai thérapeutique.
Il n'est pas rare qu'un malade se voie soulagé de ses douleurs ou bénéficie d'un sommeil réparateur après avoir pris un comprimé de sucre, de lactose, voire de mie de pain, prescrit par un soignant et revêtu, pour la circonstance, du nom et des apparences d'une spécialité pharmaceutique « sérieuse ». Connu depuis toujours (et très familier aux ethnographes ainsi qu'aux historiens de la médecine), ce phénomène baptisé « effet placebo » (du latin : « je plairai », sous-entendu : « à qui me demande de prescrire... ») a été mis en lumière notamment par E. Bernheim au cours de ses recherches sur la suggestion, dont le placebo constitue, avec l'hypnose, une des figures majeures.
Renvoyer l'effet placebo à la suggestion ne fait cependant que troquer un mot énigmatique pour un autre et recouvrir du manteau de Noé une réalité clinique dérangeante. Si le placebo s'est vu pris en compte par la littérature scientifique depuis les années quarante (à partir de l'article de O. H. P. Pepper, « Note on Placebo », in Tr. and Stud. Coll. Physicians, no 13, pp. 81 et 82, Philadelphie, 1945, et in Amer. Journ. Pharm., 1945, pp. 409-412), cela n'est point sans réticence : la profusion des mises en évidence expérimentales n'a d'égale, en effet, que l'absence de théorisation originale en la matière.
À vrai dire, cela n'a rien d'étonnant : l'effet placebo — qui semble se situer à mi-chemin de la science positive et de la magie — laisse le chercheur épistémologiquement désorienté. La spécificité du phénomène est alors renvoyée, dans le vague, à la généralité de la théorie du stress ou à celle du réflexe conditionné. La psychanalyse elle-même élude prudemment la question. L'expérimentation — très étoffée — est, en réalité, le fait du législateur qui, dans la plupart des pays, a voulu voir préalablement comparé avec celui d'un placebo de même aspect l'effet clinique de tout nouveau médicament introduit sur le marché (expérimentation en double blind, c'est-à-dire à l'insu tant de la personne qui administre le médicament supposé que de celle qui le reçoit : cela pour éviter les effets de suggestion indirecte).
Les difficultés et les résistances qui s'opposent à l'approche théorique de la question du placebo n'ont pas empêché, depuis les années quarante, une remarquable convergence des données statistiques. On assiste ordinairement à l'apparition d'un effet placebo dans 33 p. 100 environ des cas considérés dans la première phase d'une expérience, ce qui fait, après coup, classer les sujets en « placebo répondants » et en « placebo non répondants », le premier groupe se subdivisant lui-même en « répondants positifs » et en « répondants négatifs » (c'est-à-dire présentant des effets secondaires pénibles, parfois même violents, consécutifs à l'administration du placebo : réaction qualifiée de « nocebo »).
On sait, depuis peu, que les effets subjectifs et cliniquement observables produits chez les sujets répondants se soutiennent de modifications internes bien réelles. Ainsi, par exemple, J. D. Levine (« The Mecanism of Placebo Analgesia », in Lancet, sept. 1978, pp. 654-657) a montré que les effets analgésiques placebo, induits après une extraction dentaire, allaient de pair avec une production d'endorphines par l'organisme chez les sujets se disant soulagés. Il y a longtemps, à vrai dire, qu'on savait, sans avoir pu en tirer toutes les conséquences, que rien n'échappe, au plus profond du corps, à l'influence du système nerveux central et donc à celle de l'univers relationnel tout[...]
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Écrit par
- Francis MARTENS : chercheur et psychanalyste
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